Il profumo della signora in nero

mercredi 10 juin 2009

The Perfume of the Lady in Black
Francesco Barilli, 1974

(film pas sorti en France en salles ou en DVD, mais j'imagine qu'on peut traduire ce titre par Le parfum de la dame en noir)

Pitch : Le jeune et belle Silvia (Mimsy Farmer) mène une existence bien remplie et apparemment bien réglée. Son travail de chercheuse en laboratoire ne lui laisse que peu de temps pour voir Roberto, son fringant petit ami. Lors d'un banal dîner, un mystérieux invité évoque des rites occultes de magie noire et sème le trouble chez notre héroïne. Et petit à petit, son existence va se dérégler. De pénibles souvenirs d'enfance remontent à la surface : la villa abandonnée et pleine de secrets, la vision de son beau-père faisant brutalement l'amour avec sa mère, la mort (accidentelle ?) de celle-ci. Pour la pauvre Silvia, ces souvenirs envahissent tellement son esprit qu'elle ne sait (pas plus que le spectateur) si ces évènements qu'elle revit sont réels ou non. A grands coups de hachoir, tout cela va très mal se finir, jusqu'à une épouvantable scène de cannibalisme à vous glacer le sang.

Je ne suis d'habitude pas très friand des films qui louvoient en permanence aux frontières de l'onirisme. Je préfère toujours savoir si ce que je vois à l'écran est dans le domaine du rêve ou du réel (enfin réel je m'entends, je sais bien que tout cela est pour de faux mais j'essaie de l'oublier au maximum). Je n'aime pas tellement ces scènes où l'on voit un personnage, qui après avoir subi mille tourments, se réveille subitement en disant "Ah mon Dieu, heureusement tout cela (i.e. la dernière demi-heure de film) n'était qu'un rêve !". J'ai alors l'impression d'avoir été trompé et qu'on m'a volé cette demi-heure justement. Souvent, après avoir été dupé de la sorte, je ne crois plus à rien de ce que je vois à l'écran, j'ai trop conscience que tout ceci n'est que du cinéma et arrive alors la pire chose qui puisse se produire entre un spectateur et le film : la rupture du contrat narratif, l'adieu à la magie du cinéma.

Shining et surtout - avant tout - Mulholland Drive, sont d'excellents contre-exemples à cet écueil et sont deux preuves éclatantes qu'on peut manipuler le spectateur sur la notion de réel vs imaginaire sans l'exclure du film qui est montré. Il profumo della signora in nero en est une autre, bien qu'un cran en dessous de ces chefs-d'oeuvre.

Belle image de l'exubérant appartemment de Francesca, l'amie de Silvia

De prime abord, on constate que Il profumo della signora in nero utilise les codes formels et un certain nombre de ressorts dramaturgiques propres au giallo : jeune fille seule, perdue et menacée, meurtres montrés comme des mises à mort, utilisation exclusive d'armes blanches, effusions d'hémoglobine, figures récurrentes et flippantes d'enfants etc, (j'ai du voir une quinzaine de gialli depuis un mois et j'essaierai d'en faire prochainement une espèce de synthèse). Francesco Barilli s''affranchit toutefois assez vite des limites du giallo, introduisant, à l'instar de Dario Argento dans Suspiria, des éléments fantastiques, ou en tous cas psychanalytiques et schizophréniques.

Dans Il profumo della signora in nero, Barilli réussit fort bien, et de manière très progressive, sans hiatus brutal ou coup de théâtre, à nous faire rentrer dans la tête malade de Silvia. La symbolique et le propos sont certes assez lourds (refus de l'âge adulte, Oedipe refoulé, sexualité torturée) mais, d'une part, tout cela est illustré par de superbes images qui sont de plus en plus cauchemardesques au fur et à mesure que le film avance, et d'autre part, ces artifices de forme parviennent à insuffler une atmosphère franchement angoissante : on retrouve cette idée très lynchienne que derrière une apparente banalité de la vie quotidienne, se cache au fond de nous d'indicibles horreurs. Par bien des aspects (cadre restreint à un appartement, focalisation sur une femme en plein perdition psychologique) ce film m'a également fait fortement penser à Rosemary's Baby de Roman Polanski (en mieux ! j'avoue m'être un peu ennuyé devant ce dernier et n'avoir pas tellement "marché", malgré toute la beauté de ce film).

Enfin, il faut souligner l'impressionnante performance de Mimsy Farmer, qui est de tous les plans, et qui, bien que cette expression soit un peu galvaudée, porte le film sur ses épaules. Elle m'avait séduit dans Quatre mouches de velours gris du maestro Dario Argento ; elle m'a subjugué dans Il profumo della signora in nero.

Elle est blonde, elle est belle et elle est incroyablement expressive sans jamais en rajouter : d'un pincement de lèvres ou d'un regard oblique, elle arrive à nous communiquer son angoisse, sa folie et, pour finir, sa démence.

Silvia confrontée à ses trauma d'enfance
Motif récurrent de la petite-fille-flippante-en-robe-blanche

Ca devient de plus en plus sanglant
Et cette scène me fait bigrement penser à Shining

Le cauchemar de Silvia se termine par une incroyable (et insoutenable) scène d'anthropophagie


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1 commentaires:

IMtheRookie a dit…

Encore un excellent article ! Très envie de découvrir le film maintenant...
Je bloque sur un truc, l'utilisation de "bigrement" dans la légende d'une des photos. Je n'avais pas vu ce mot depuis bien longtemps et pourtant je l'ai entendu hier soir à la télé dans un "Faites entrer l'accusé" bien horrible sur un violeur récidiviste... La voix off du reportage disait quelque chose comme "les circonstances ressemblent bigrement à..." je ne sais plus trop. Voilà une coïncidence bigrement troublante ;)

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