Summer of 42

dimanche 26 avril 2009

Un été 42
Robert Mulligan, 1971


Terminons en douceur cette semaine du sexe avec des propos plus émouvants, plus fleur bleue et surtout plus personnels. Vu aujourd'hui, Summer of 42 est peut-être un film quelque peu dégoulinant de bons sentiments et de bien-pensance, artificiel dans la construction de son histoire, manichéen dans sa peinture des personnages mais, pour moi qui l'ai vu à 14 ans pour la première fois, il reste avant tout un film doté d'une charge érotique inouïe et inoubliable. Adolescent, on ne remet pas si vite de ce genre de films.

Pitch : Hermie (Gary Grimes) a 15 ans et passe ses vacances chez ses parents au bord de la mer, avec deux copains de son âge. Leur principale préoccupation est évidemment les filles et, en toile de fond, la périlleuse quête de la perte de la virginité. Même si tout ce petit jeu se passe plutôt avec des filles qui leur sont contemporaines et qu'ils draguent au cinéma ou à la plage, Hermie paraît fasciné par une "vieille" de 25 ans : la belle Dorothy (Jennifer O'Neill), dont le fiancé vient de partir se battre (nous sommes en 1942, rappelons-le), et qui habite cette maison en bois au bord de la mer, isolée du reste du village. Sans bien savoir où il va, ne pensant jamais à mal, Hermie va petit à petit se rapprocher de Dorothy. Jusqu'à un fameux soir où il frappe à sa porte ...

En le revoyant ce week-end, j'ai d'abord vu dans Summer of 42 un propos qui m'avait échappé à l'époque, à savoir une peinture du mal-être de l'adolescence (je ne m'en rendais pas compte, j'étais en plein dedans !). Franchement, j'avais complètement oublié que le film parlait de ça, dans une veine très proche, bien que nettement moins intellectuelle, de Mes Petites Amoureuses de Jean Eustache.

Par des scènes conventionnelles, qui sonnent parfois très juste (les errances sur la plage, le cinéma, l'achat de préservatifs) ou parfois artificielles (la scène de nuit sur la plage avec les deux filles), Summer of 42 m'a rappelé à quel point l'adolescence est un âge difficile, que je ne souhaiterais revivre à aucun prix, l'âge où les aspirations sont grandes mais les moyens limités, où la concurrence est féroce, où personne ne se fait de cadeau, où tout le monde parle beaucoup plus qu'il n'agit ou ne sait, où on ne sait vraiment pas comment se positionner etc etc. Tous ces atermoiements, assez bien décrits, occupent en fin de compte les trois quarts du film jusqu'à cette fameuse scène qui m'avait tellement chamboulé à l'époque.



LA scène inoubliable de Summer of 42
Hermie s'est fait beau pour rendre visite à Dorothy. Personne ne répond quand il frappe à la porte. Il entre et, sur la table, entre un cendrier plein et une bouteille de whiskey, il découvre une lettre de l'armée qui annonce la mort au front du fiancé de Dorothy. Celle-ci sort alors de sa chambre, s'excuse de sa mine affreuse et se jette dans les bras d'Hermie qui n'ose piper mot.
















... Gasp ! (et je m'en veux un peu de la qualité très moyenne de ces captures)


Voilà, comme vous pouvez le voir, tout cela n'est pas très explicite sexuellement, pas très bien éclairé ni même très bien joué mais je n'ai jamais pu oublier cette scène qui m'a hanté pendant de (trop) longues années. Il existe beaucoup de fantasmes féminins qui sont devenus comme des clichés et que l'on a pu voir maintes et maintes fois au cinéma : la jeune fille innocente et ingénue (avec la variante écolière aux socquettes blanches), la fille vulgaire et experte, la MILF assoiffée de sexe, les deux filles lesbiennes qui ne sont pas contre accueillir un homme dans leur lit, la soubrette/infirmière/doctoresse qui n'a pas froid aux yeux et tant d'autres qui font partie de l'imaginaire collectif mâle et hétéro.

Et bien pour moi, pendant longtemps, le fantasme ultime était Dorothy dans Summer of 42 : la femme inaccessible devenant accessible, plus âgée et donc initiatrice mais également la femme douce, aimante et prête à accueillir dans son lit un jeune homme de quinze ans qui souhaite avancer dans la vie tout en restant à l'écart de la brutalité si caractéristique de l'adolescence.

Suis-je le seul pour qui ce film a eu une influence fondamentale ?

Sexy Sushi

samedi 25 avril 2009

Hasard du destin ou puissance de l'inconscient, c'est en plein milieu de la semaine du sexe que je découvre un groupe absolument fabuleux qui répond au nom de Sexy Sushi. Ils sont deux, une fille (Rebecca Warrior) et un garçon (Mitch Silver), ils sont nantais et ils sont déjantés à un tel point qu'on peut s'interroger sur leur santé mentale.

Moi qui aime l'outrance, je suis vraiment servi avec cette electronica barrée aux textes d'un mauvais goût ahurissant. Les titres de leurs excellentes chansons sont déjà un vrai poème : Pétasse t'enflamme pas, Petit pd, Rien à foutre, Fautkjaretdeboire ou encore le flamboyant Enfant de putain/Salope ta mère (grâce auquel j'ai découvert le groupe - via le podcast des Inrocks).

Vue la thématique de la semaine, commençons par la chanson la plus cul, la bien nommée Sex Appeal, qui raconte l'invraisemblable histoire d'une rencontre de la chanteuse avec une policière branchée SM. Évidemment, tout l'attirail fétichiste de la femme-flic y passe : menottes, matraque, uniforme, latex etc. Un peu comme dans un film X, il n'y a pas vraiment de préliminaires et Sexy Sushi va droit au but dès le premier couplet :
Le sex appeal de la policière
Me fait mouiller, devant, derrière
Le sex appeal de la policière ...

Je lui demande ma direction
La policière est super canon
Elle m'amène jusqu'à sa maison
Et là j'enlève mon pantalon

La policière aux cheveux bouclés
Dans son uniforme, super moulée
Rend mes tétons tout pointés
Je prends mon pied, je prends mon pied

Elle m'attache avec ses menottes
La policière se déculotte
La policière a du chagrin
Et moi j'enlève mes escarpins







Sexy Sushi - Sex Appeal


A côté de cette première chanson, Pétasse t'enflamme pas sonne presque comme une tendre bluette. J'ai l'impression que cette chanson est un peu le tube de Sexy Sushi - en particulier dans la communauté lesbienne. Malgré une captation très mauvaise, la vidéo de cette chanson en concert est assez impressionnante (et je suis bien content d'avoir booké mes billets pour leur passage à la Maroquinerie le 7 mai).

On notera sur ce titre des taglines assez distinguées qui sonnent comme de vrais leçons de vie du style "L'important c'est d'être heureux / pour les salopes y compris" ou encore "Dans la vie faut se respecter / avec son cul on y arrive aussi".







Sexy Sushi - Pétasse t'enflamme pas

Rachida, mon p'tit chat
On termine avec Rachida que je trouve absolument sublime, ma chanson de l'année 2009 pour le moment. Si vous ne deviez en écouter qu'une, choisissez celle-ci ! Musique et paroles, ce titre est une tuerie et me rappelle, dans un autre genre, l'excellent Nicolas et Rachida de La Chanson du Dimanche. Je ne peux que me réjouir d'une chanson qui joue de manière si drôle avec l'image de Rachida Dati.

Plutôt que de nous servir une énième chanson engagée et moralisatrice sur notre ministre de la Justice en sursis ("On ne tire pas sur une ambulance" disait Bayrou hier matin), les trublions de Sexy Sushi ont une approche bien différente en regardant Rachida Dati à travers un prisme SM, fétichiste, sexuel et en fin de compte presque tendre et admiratif. Je trouve ce point de vue bien plus percutant. Franchement, le "Rachida mon p'tit chat", quelle belle trouvaille.

A bien regarder, j'aime ta position
Les jambes croisées, jupe et pantalon
A bien regarder, j'aime ta position
La justice garde les sceaux de la nation

Rachida, mon p'tit chat
T'as besoin que d'un seul doigt
Pour m'envoyer en prison
Me filer cent coups de bâton

Ca me donne envie de dominer
C'est tellement bon de tout contrôler
J'ai comme une soif de pouvoir
Qui me rend les choses obligatoires
Oh oui, oh oui je veux gouverner
Votez pour moi, vous serez recompensés
Je vais transformer le pays en charnier
Vous exploiter pour ensuite vous supprimer

Rachida, femme de loi
Je crois que je suis jalouse de toi
Moi aussi je veux être ministre
Délégation de l'Antéchrist

Ma première loi sera d'obliger
Les gens comme toi à se déshabiller
Ma deuxième loi en vigueur
De castrer tous les chasseurs








Sexy Sushi - Rachida


On pense évidemment à Yelle et TTC en entendant tout cela. Mais, personnellement, je trouve Sexy Sushi plus subtil (si si, j'insiste !) que ces derniers groupes et je les comparerais plutôt à Peaches (pour l'outrance), Stereo Total (pour le côté punk) ou Miss Kittin & The Hacker (pour le côté porno pas chic).

Bon et je m'arrête là car quand je relis les mots employés dans ce billet, je me dis qu'on pourrait croire que j'ai le syndrome de la Tourette. Allez, une dernière saillie pour la route : "J'ai sodomisé un louveteau / Avec un manche de marteau" (sur la chanson Hibernatus). Oh mais sérieux, qui écrit aujourd'hui des textes aussi subversifs ? Qui peut revendiquer une telle trash-attitude ?

Nude on the Moon

jeudi 23 avril 2009

Doris Wishman et Raymond Phelan, US, 1961

Semaine du sexe encore et toujours avec une curiosité de 1961 qui enfonce allègrement toutes les limites du bon goût : Nude on the Moon, dont wikipedia me dit qu'il a acquis un statut de film culte. Oh ? Même si ce n'est pas le plus mauvais film du monde, je n'ai jamais rien vu d'aussi crétin.

Pitch : deux nigauds touchent un héritage ("one million dollar !") et décident d'utiliser cette somme pour construire une fusée qui doit les emmener sur la Lune. Bien qu'ils aient l'air complètement incompétents, qu'ils ne soient que deux et que leur bureau ressemble plus à un labo de TP de chimie de collège qu'aux usines de la NASA, ils réussissent dans leur entreprise et posent le pied sur la Lune, mettant ainsi fin à un préambule ultra-lourdingue qui dure tout de même une bonne demi-heure.

Grosse surprise en alunissant : l'atmosphère est respirable (ils gardent quand même leurs casques, on ne sait jamais), la végétation est luxuriante, et surtout la Lune est un gigantesque camp naturiste peuplé de créatures dénudées qui communiquent entre elles via des antennes qu'elles ont sur le crâne. Après avoir pris plein de photos, nos deux andouilles ne vont finalement pas s'attarder sur la Lune, et l'un deux aura même connu un début d'idylle avec la cheftaine du camp. De retour sur Terre, ils se rendent compte qu'ils ont oublié leur appareil photo sur la Lune : caramba, il va falloir qu'on les croit sur paroles. Vu leurs têtes d'idiots du village, ce n'est pas gagné !

Le film date de 1961 et à cette époque, le code Hays se fendille doucement et les nudies commencent à fleurir dans les salles spécialisées. Sous le prétexte d'être des documentaires sur des camps naturistes, ces films étaient en fin de compte des catalogues animés de filles nues, sans recherche de scénario. On ne peut que saluer la volonté de Doris Wishman (une femme !) de vouloir marier le genre nudie avec la science-fiction, dans un but évident de sortir ces films du ghetto dans lequel ils étaient enfermés.

Vous les avez reconnus ? Mais oui, c'est les deux mecs de Daft Punk ! Notons l'étanchéité exemplaire de ces combinaisons spatiales.
Ceci dit, j'aime bien ce plan, le seul que je sauverais du film.


Donc on salue l'initiative mais au final, le résultat est une vraie catastrophe, sans aucun moyen, sans idée, sans poésie et parfaitement sans intérêt. Ce qui est consternant, c'est de voir que ces filles ne sont même pas jolies ou appétissantes. Regarder Nude on the Moon, c'est un peu comme feuilleter un Playboy : c'est sympa au début mais au bout de 2 minutes, soit on souhaite en voir plus, soit on souhaite passe à autre chose mais en aucun cas on a envie de continuer à regarder ces filles aussi excitantes que Roselyne Bachelot.

Nude on the Moon film culte ? Encore un complot du lobby des snobs de la série Z !

Sur son trône, voici la cheftaine du camp ...
... qui connaîtra une romance de courte durée avec Jeff

Ca glande dans tous les coins
Bains publics

Saurez-vous retrouver les 666 différences entre la fusée au décollage et à l'alunissage ?



Deux allusions phalliques qui m'ont frappé par leur subtilité



Après cette épopée, le brave Jeff ne verra plus jamais son assistante de la même manière

Glauque et sexy

mercredi 22 avril 2009

On continue la semaine du sexe en musique avec trois groupes qui ont un certain nombre de points en commun : ils sont français, ils aiment la musique électronique mais pas uniquement, ils s'habillent en noir et, surtout, ils nous proposent des pochettes de disques fortement suggestives et qui dégagent un érotisme sombre et légèrement glauque.

Poni Hoax
Je suis content de pouvoir poster ici cette chanson que je dois écouter 10 fois par jour depuis que j'ai vu ce groupe en concert il y a trois semaines. Derrière le nom Poni Hoax se cachent cinq dandy, à l'attitude résolument punk et qui dégagent sur scène une présence forte, sombre et très élégante. Mais Poni Hoax n'est pas qu'un groupe d'image comme le prouve cette extraordinaire chanson qui n'est plus toute jeune (elle date de 2006) mais dont je ne me suis pas encore remis.

J'adore la manière dont Budapest se complexifie avec l'arrivée progressive des différentes couches qui la composent : basse et simple kick pour débuter, suivis par la voix sombre et sexy d'Olga Kouklaki, légères touches de guitare, arrivée de violons mélancoliques, thème de synthé imparable etc etc. Sur ce titre pourtant orienté électro, je suis ultra-fan de la ligne de batterie (pas de boîtes à rythme ici) qui sonne divinement bien, martiale et solide, mais pleine de roulements très jouissifs, surtout à partir de 1'40. Au fur et à mesure que la chanson avance, la tension monte, la chanteuse s'énerve superbement, les synthés deviennent abrasifs et Budapest se termine par un final très noisy et apocalyptique.

Ce titre est un indiscutable chef-d'oeuvre, un sérieux prétendant au titre de plus belle chanson pop de tous les temps.







Poni Hoax - Budapest

Scratch Massive
On continue dans l'électro sombre, racée et sexy avec le duo parisien qui répond au nom très efficace de Scratch Massive et qui affolent les dancefloors du monde entier depuis près de dix ans. Nous sommes ici loin d'un certain hédonisme Sea, Sex & Sun mais plutôt dans l'obscurité moite d'une back-room glauque peuplée de clubbers gavés au MDMA. Je vénère ce groupe.

Je n'arrive pas à choisir parmi tous les titres de Scratch Massive que j'adore alors j'en mets cinq. Que ce soient des versions originales ou des remix, tous ces morceaux sont de vraies tueries. Commençons avec le single Girls on Top : démarrage sur-efficace, paroles explicites et prodigieuse rupture de rythme à 1'20.







Scratch Massive - Girls on Top

On continue avec Make It High, dans sa version originale d'abord (refrain im-pa-ra-ble à 1'45), puis sous la forme d'un remix très pop et presque joyeux (Showgirls Remix), et enfin une autre relecture (Sex Schön Remix), très orientée dancefloor et non moins efficace (la fin est un peu bizarre parce que ce titre vient d'une compilation mixée). Je suis épaté de voir à quel point ces trois versions d'une même chanson sont différentes les unes des autres.







Scratch Massive - Make It High







Scratch Massive - Make It High (Showgirls Remix)







Scratch Massive - Make It High (Sex Schön Remix)

On termine avec Shining In My Vein, un titre nettement plus deep, encore plus sombre, à jouer dans le noir total, à l'heure où les corps torrides se frottent dans une grande communion extatique. Notez ce break de toute beauté à 1'40.







Scratch Massive - Shining In My Vein (Manthraxx Mix)

Black Strobe
Voici pour finir les deux tueurs de Black Strobe : Arnaud Rebotini et Ivan Smagghe (pour être précis, ce dernier a quitté le groupe qui s'est maintenant transformé en quatuor rock assez bourrin).

En dix ans d'existence en tant que duo, Black Strobe n'a produit qu'une poignée de maxis mais chacun de leurs titres atteint un tel niveau de perfection qu'on ne pourra pas leur reprocher leur paresse - et il faut savoir que chacun d'eux poursuivait en parallèle une intense activité de DJ et de remixeur.

Me & Madonna est un des titres les plus connus de Black Strobe, l'hymne du mouvement electroclash. Derrière de séduisantes paroles ("Madonna is in love with me / Me and Madonna / It's so sweet to be with you / You're my silicon love"), la mélodie est redoutablement efficace et ces synthés franchement réjouissants - comme toujours chez Black Strobe.







Black Strobe - Me and Madonna

Sur Innerstrings, je suis fasciné par la mise en place de la chanson. Comme souvent en électro, les couches se rajoutent les unes aux autres pour arriver, à 1'15, à ce que je considère comme la boucle électro parfaite : batterie lourde, basse disco, synthés 80s. Franchement ils pourraient faire une chanson en n'utilisant que les 15 secondes entre 1'15 et 1'30 et je la considérerais toujours comme parfaite.







Black Strobe - Innerstrings (Original Mix)

Et on termine avec Nazi Trance Fuck Off, une chanson qui me plait particulièrement par son outrance : mauvais goût assumé du titre (qui est un hommage direct à Nazi Punk Fuck Off des Dead Kennedys), sècheresse de la construction (la chanson ne varie guère en 10 minutes) et surtout une vraie radicalité dans la violence qui en émane. Je trouve que ce titre est en fin de compte proche du punk voire du metal - Black Strobe ne s'est d'ailleurs jamais caché de ces influences et ils définissent leur musique comme de l'Italo-Disco-Goth. J'adore ! Notez l'hallucinante fin de break à 5'30.







Black Strobe - Nazi Trance Fuck Off


Et je suis ravi de voir que la semaine du sexe a été lancée pour de bon sur le blog de Vodkaster via un inévitable TOP 5 cochon, ainsi que sur le blog d'Henry Michel, via une intéressante chronique de Rock'n'Roll Rocco, un film réalisé, scénarisé, joué et produit par Rocco Siffredi, et qui m'a l'air assez godardien en effet.

Extase

mardi 21 avril 2009

Extáze / Ecstasy
Gustav Machaty, Autriche / Tchécoslovaquie, 1933


Commençons cette semaine dédiée au sexe par un film fondateur, Extase, qui a marqué l'histoire du cinéma en représentant pour la première fois la nudité féminine associée au plaisir charnel. Il s'agit bien d'une première pour un "vrai film" (j'exclus les films érotico-pornographiques apparus dès l'invention du cinéma, joués souvent par des prostituées et qui ne sortaient jamais des maisons closes dans lesquelles ils étaient tournés - ces films ont pour la plupart disparu).

Pitch : Extase s'ouvre sur la nuit de noces entre la toute jeune Eva (Hedy Lamarr) et Emil, un vieil homme assez peu glamour. Celui-ci n'essaie même pas de connaître sa femme (au sens biblique du terme), ni le premier soir ni les suivants. Eva, bien dépitée, se sépare assez vite de son mari pour retourner chez son père à la campagne. Lors d'une baignade en tenue d'Eve justement, elle rencontre un bel ingénieur nommé Adam (!) qui saura lui apporter le plaisir sexuel qu'elle devinait possible sans le connaître. Toute chamboulée par cette première nuit, Eva rejette son mari qui tente un improbable come-back et finit même par abandonner son amant pour commencer une nouvelle vie qui s'annonce bien prometteuse maintenant qu'elle a été éveillée aux plaisirs de la chair

La baignade
Avant d'avoir vu le film, j'avais déjà entendu parler de la fameuse séquence de la baignade dans laquelle Hedy Lamarr est totalement nue. Alors sans plus attendre, je vous en propose quelques images (attention, couchez vos enfants et/ou vérifiez que votre boss n'est pas derrière vous avant de regarder ces photos incroyablement licencieuses).

1. Eva se baigne nue dans le lac
2. Elle a posé sa robe sur sa jument

3. Voilà, elle se baigne donc.
4. Mais sa jument est parti voir un étalon (<= symbole)

5. Elle court pour rattraper son cheval
6. Mais son cheval (et donc sa robe) est déjà loin

7. Heureusement, un homme parvient à l'arrêter
8. Mais Eva panique de se sentir ainsi nue devant un homme

9. Et elle fuit à nouveau à travers bois
10. Ce qui amuse l'homme

Eva nue et désarmée

Outrageux n'est-ce pas ?

L'orgasme
L'autre scène scandaleuse du film (et qui je pense lui donne son titre) est la première scène d'amour entre Adam et Eva. Là, aucune chair n'est montrée et nos personnages restent habillés mais le film a l'audace de nous montrer, en gros plan, le visage d'Eva s'abandonnant totalement au plaisir.
1. Arrivée d'Eva chez Adam (quel éclairage !)
2. Un autre plan suprenant

3. Ils s'embrassent
4. Adam descend le long d'Eva





Cette scène est très marquante car elle s'affranchit de toute représentation explicité des corps, de toute chorégraphie sexuelle, pour ne se concentrer que sur l'orgasme qui se lit sur le visage d'Eva. Tout cela est troublant il faut bien l'avouer - bien plus que la séquence de la baignade, que je ne trouve pas très subtile (bien que non dénuée d'un certain charme champêtre).

Et sinon ?
Au-delà de ces deux scènes scandaleuses pour l'époque, Extase se révèle être un film très surprenant : si le fond du propos n'est en fin de compte pas très éloigné de celui de l'Aurore de Murnau, Gustav Machaty impose à son film un parti-pris formel très marqué. Extase est truffé de gros plans fétichistes (sur des objets anodins, une main, un collier, un verre, une cigarette), de cadrages de guingois ou encore de contre-plongées très appuyées. Si on ajoute à cela un vrai talent pour l'éclairage de ces scènes, on obtient un film qui est très proche de l'expressionnisme allemand.



Et puis ajoutons que Hedy Lamarr est une très belle femme, qu'on voit évoluer psychologiquement et physiquement tout au long du film. De la jeune fille pleine de naïveté du début du film, elle devient à la fin une femme sûre d'elle même, de ses envies sociales et de ses désirs charnels : non au mariage, oui à la jouissance sans entrave. En fin de compte, c'est peut-être ce propos qui a choqué.



Si vous avez un peu de temps à tuer, je vous conseille de lire l'étonnante biographie de Hedy Lamarr qui, après ce premier rôle dont il ne doit pas être facile de se défaire, s'est ensuite mariée avec un autrichien qui est devenu nazi, a fui l'Autriche, a connu une carrière fort honorable à Hollywood, s'est lancée dans la recherche en physique et a découvert une espèce de méthode de cryptage utilisé pour le guidage de missiles et plus tard pour le protocole Wifi grâce auquel vous lisez ces lignes. Elle a fini sa vie dans les tribunaux pour vol à l'étalage !
Un vrai scénario de film. A quand un biopic sur la sublime Hedy Lamarr ?