Top 5 des films que je n'ai jamais vus

mercredi 25 mars 2009

David, rédacteur de l'excellent blog de Vodkaster, qui aborde le 7e Art sous l'angle du ciné-geek technophile 2.0 qu'il est (et que je suis également), me propose de lister 5 films incontournables que je n'ai jamais vus. Alors, voici ce que ça donne :
  1. Psychose (Alfred Hitchcock, 1960). Parmi tous les films que je n'ai jamais vus, c'est celui que je connais le mieux, tellement j'ai lu d'articles à son sujet. Je connais l'histoire sur le bout des ongles (y compris le dénouement) et, via le Hitchbook, j'ai aussi bien en tête le découpage plan par plan de certaines scènes (la douche mais aussi le meurtre de l'inspecteur, la scène d'amour du début avec Janet Leigh). Sans doute la peur d'être déçu.
  2. La Dolce Vita (Federico Fellin, 1960). J'aime pourtant beaucoup le titre. Il faut dire que je pars de loin en cinéma italien (cf réalisateurs ci-dessous).
  3. Le Parrain II (Francis Ford Coppola, 1974). Bizarrement, j'ai moyennement aimé le premier. Il paraît que le 2 est génial. J'attends encore.
  4. Brazil (Terry Gillian, 1985). Là c'est moche de ne pas l'avoir vu parce-que je suis sûr que j'aimerai. Plus j'attends, plus je prends le risque d'être déçu et donc plus j'attends. Je ne m'en sortirai pas !
  5. La liste de Schindler (Steven Spielberg, 1994). J'aime beaucoup Spielberg, j'ai lu plein d'avis très positifs sur ce film mais, depuis l'atroce Chapeau Melon et Bottes de Cuir, j'ai un petit problème avec Ralph Fiennes.

Tu n'as pas vu Pyscho ? La hoooonte ....

Et comme j'aime bien les Top et les classements de manière générale, déclinons un peu le concept.

Le top de la super honte
Comme au rugby, le Top 14 des réalisateurs dont je n'ai vu aucun film. Aucun, nul, zéro.
  • Parmi les français : Jacques Tati et Robert Bresson.
  • Parmi les japonais : Ozu, Kurosawa, Mizoguchi (je suis de manière générale complètement inculte en cinéma asiatique).
  • Plus dur à admettre, je n'ai jamais vu de film des italiens Rossellini, De Sica ou Fellini
  • Encore plus dur à admettre, chez nos amis américains, je n'ai jamais vu de films de Hawks, Griffith, Huston ou Tourneur.
  • Ailleurs dans le monde, il me reste encore à découvrir un film de Carl Dreyer ou de Hou Hsiao-Hsien.

Au début : cha bada bada, cha bada bada ... Après : zzzzzzz....

Le top de l'ennui
Dans un autre état d'esprit, mon Top 5 de films qui sont considérés comme des classiques, que j'ai essayé de regarder mais dont je n'ai jamais réussi à aller au bout.
  1. Le 7e sceau (Ingmar Bergman, 1956). Trois fois j'ai essayé, trois fois je me suis endormi au premier tiers à peu près. Je suis complètement hermétique à ce film qui est pourtant considéré comme un super classique.
  2. Stalker (Andreï Tarkovksi, 1979). J'ai abandonné à la moitié de ce long, lent et incompréhensible film - après 2 endormissements successifs.
  3. L'année dernière à Marienbad (Alain Resnais, 1961). Abandonné au bout d'un quart d'heure, malgré la beauté certaine des images, tellement j'étais exaspéré par la prétention de la mise en scène et de la narration (ou plutôt de l'anti-narration).
  4. Un homme et une femme (Claude Lelouch, 1966). Bon c'est un Lelouch donc ça peut difficilement être un classique mais la présence de Jean-Louis Trintignant m'avait décidé à essayer de le regarder. Au bout d'une demi-heure, je me suis rendu compte que c'était vraiment pas possible.
  5. M le maudit (Fritz Lang, 1931). Alors là c'est la honte car je vénère Fritz Lang. A ré-essayer d'urgence.

Le top de l'a priori
On continue avec un top 5 des films que je suis très content de ne pas avoir vus et que je ne verrai sans doute jamais, sauf sous la torture.
  1. Da Vinci Code (Ron Howard, 2006)
  2. Salo ou les 120 journées de Sodome (Pasolini, 1976)
  3. Men In Black (Barry Sonnenfeld, 1997)
  4. Cannibal Holocaust (Ruggero Deodato, 1980)
  5. Ocean's Eleven (ou 12 ou 13) (Steven Soderbergh)


Le top de l'amertume
Pour finir, un top 5 des films que je regrette amèrement d'avoir regardés. Des films qui font souffrir sur le moment et qui laissent un très mauvais goût dans la bouche.
  1. Astérix aux Jeux Olympiques (Frédéric Forestier, 2008). Mais est-ce vraiment du cinéma ?
  2. Requiem for a Dream (Darren Aronofsky, 2000). Peut-être le film le plus abject que j'ai jamais vu.
  3. Batman et Robin (Joel Schumacher, 1997). Effroyablement nul dès la première seconde.
  4. Australia (Baz Luhrmann, 2008). Je n'ai jamais été autant crispé devant un film. A la fin, mes ongles étaient enfoncés dans les accoudoirs.
  5. Chocolat (Lasse Hallström, 2001). Un film atrocement neu-neu et terriblement poujadiste, un peu dans la même veine fascisante que Les enfants du marais ou Le coeur des hommes. Juliette Binoche est à mon avis l'actrice la plus sur-côtée de tous les temps.
J'ai un peu débordé du pitch initial : du coup, je renvoie la balle à David pour ces derniers tops.

La malédiction de la momie aztèque

mardi 24 mars 2009

La maldicion de la momia azteca
Rafael Portillo, Mexique, 1957


Un DVD acheté complètement au hasard, sur la seule foi de sa belle pochette, et qui avait pour but de commencer mon initiation à la série B mexicaine qui a paraît-il connu un relatif âge d'or pendant les années 50/60 (dans son autobiographie, Jean Rollin mentionne quelques oeuvres mexicano-vampiresques à voir absolument). Pas de bol : La malédiction de la momie aztèque s'avère être un vrai naufrage.

Pitch : j'ai découvert que le film était en fait la suite de La Momie Aztèque, sorti également en 1957. La malédiction de la momie aztèque démarre donc là où le précédent se terminait : l'infâme Dr Krupp est en prison et le sympathique Dr Almada peut envisager sereinement son mariage avec la belle Flor. Malheureusement, aidé par ses hommes de main, le Dr Krupp s'évade et enlève Flor grâce à laquelle il compte mettre la main sur un trésor aztèque. Flor est en effet la réincarnation d'une aztèque du 15e siècle et, sous hypnose, elle saura mener le Dr Krupp à la pyramide enfouie qui contient le trésor. Arrive alors un improbable catcheur-vengeur un peu enrobé, en voiture de sport, qui répond au nom de Angel, et qui va venir à l'aide du Dr Almada pour sauver Flor. Mais il s'avère que Angel est un piètre super-héros qui en fin de compte crée plus de problèmes qu'il n'en résout et tout le monde est fait prisonnier par le Dr Krupp. Tout s'arrange lorsque la momie se réveille après 200 ans de sommeil et, lors d'une obscure scène finale, massacre le Dr Krupp et toute sa clique.

Bon ... que faire face à un tel film ? Que dire ? On remarquera d'abord que La malédiction de la momie aztèque est un étonnant patchwork : film noir, film de super-héros, film de savant fou, film de momies ... c'est un peut tout cela à la fois. On appréciera le fait que le film ne dure que 65 minutes. On déplorera les incohérences ahurissantes de l'histoire, les combats terrifiants d'invraisemblance, les dialogues aberrants, la pauvreté des décors ou encore l'absence totale de jeu d'acteur. Tout ceci est quand même très fauché et complètement dénué de toute ambition artistique.

Reste .... reste quoi ? Allez, reste un peu de poésie dans la scène de flashback dans le temple aztèque. Reste une certaine fraîcheur de ton. Reste un certain courage à réaliser un film pareil. Non mais franchement, ce super-héros déguisé en catcheur qui se prend mandale sur mandale et échoue dans tout ce qu'il entreprend, il fallait quand même oser l'inclure dans le scénario !

Et moi je crois que je vais repasser le Rio Grande et rester, pendant un certain temps encore, dans la série B US. Cette incursion mexicaine ne me dit rien qui vaille.

Apparition de notre super vengeur-catcheur Angel
La scène au 15e siècle dans le temple aztèque

Angel en plein galère au-dessus de la fosse aux serpents
Le professeur diabolique / savant fou de rigueur

The 7th Voyage of Sinbad

mardi 17 mars 2009

Le 7e voyage de Sinbad
Nathan Juran, 1958


Film fantastique américain des années 50 toujours. Je me souviens d'une époque où ce film était multi-diffusé à la TV hertzienne aux périodes de Noël (est-ce encore le cas ?). Je l'avais donc déjà vu étant petit et j'avais peur que le souvenir que j'en gardais, aussi parcellaire qu'excellent, ne s'effondre suite à un nouveau visionnage 'adulte'.

Eh bien pas du tout : 20 ans après, j'ai de nouveau été ébloui par l'inventivité visuelle époustouflante de ce petit chef-d'œuvre d'aventure.



Pitch : dans un Bagdad fantasmé et chamarré, le valeureux capitaine Sinbad file le parfait amour avec la princesse Parisa. Un mariage est prévu pour bientôt. C'était sans compter sur la perfidie du magicien Sokurah qui jette un sort maléfique sur la princesse Parisa : celle-ci rétrécit subitement (encore !) et ne mesure plus que quelques centimètres. Démasqué, le magicien avoue que le seul remède pour sauver la princesse est une potion à base de coquille d'aigle à deux têtes, espèce qu'on ne trouve que sur l'île de Colossus. Sinbad embarque donc un équipage de renégats (car nul ne veut se rendre sur cette île maudite) dans une quête qui s'annonce pour le moins périlleuse : cette île est en effet peuplée de monstres étranges et fort dangereux.

Le pitch n'est en fin de compte pas très éloigné de celui de King Kong : une bande d'hommes en armes arrive sur une île mystérieuse pour sauver une jeune femme et doit affronter toute une série de monstres inquiétants. Mais son traitement est très différent. Autant King Kong, bien que teinté d'une poésie érotique remarquable, reste un film très sérieux qui cherche à créer de la terreur chez le spectateur, autant Le 7e Voyage de Sinbad nous emmène sur le terrain de la féérie, du fantastique et de l'exotisme : costumes extravagants, couleurs saturées, décors grandioses et magie omniprésente (on retrouve même la lampe d'Aladin qui fait apparaître un génie lorsqu'on la frotte en prononçant la bonne formule magique). Mais tout cet environnement n'est pas rigide et codifié (et donc ennuyeux) comme dans l'heroic fantasy habituelle : ici, tout est possible, on ne sait jamais à quoi s'attendre et le film nous emmène de surprise en émerveillement.

Princesse de poche
En fait oui, Le 7e voyage de Sinbad me paraît très réussi car il reste un film léger. A l'image de la princesse. Bien que devenue liliputienne, celle-ci reste tout sourire, pleine d'amour pour son Sinbad, drôle, vive, esquissant ici ou là un petit pas de danse, et arrivant même à se rendre utile en réveillant le génie de la lampe ou en libérant des prisonniers. Par son côté éminemment adorable, elle me rappelle Kylie Minogue en fée verte dans Moulin Rouge ou Laureline dans cette épisode de la BD Valérian (je ne sais plus lequel) où elle est rétrécie et passe tout son temps à pester, perchée sur l'épaule de son bien-aimé.
Peut-être l'image que je préfère du film : la délicate princesse dans le creux de la main de Sinbad

Sinbad éberlué après la transformation de Parisa
Une autre image pleine de charme et de féérie

La princesse à l'intérieur de la lampe magique
... ou en train de suivre Sinbad sur une boule de cristal

Un sympathique bestiaire
Il faut de plus souligner l'inventivité du réalisateur quant aux monstres étonnants qu'il nous présente. Inspirées de mythologies diverses (grecques, orientales, moyenâgeuses), ces effrayantes bestioles de pâte à modeler sont toutes très belles à voir et surtout très vivantes.
Le monstre emblématique du film : le terrible cyclope à pattes velues

Ne pas s'attaquer aux poussins à deux têtes ...
... sous peine de voir arriver la mère à deux têtes

L'inoubliable combat contre le squelette
Pour le coup, cette scène rappelle franchement King Kong


Bizarrement, je m'attache beaucoup plus à ces créatures irréelles et imparfaites qu'aux monstres numériques qu'on peut voir dans la gonflante trilogie des Lord of the Rings (par exemple). Je répète des choses déjà dites sur ce blog mais encore une fois, Le 7e voyage de Sinbad nous montre que l'irréalisme des personnages n'empêche en rien l'émotion qu'ils peuvent nous transmettre. Pour prendre d'autres exemples plus récents, n'importe quelle poule de Chicken Run, en pâte à modeler bien apparente, me touche mille fois plus que ce crétin de Jar Jar Binks, pourtant parfaitement numérisé (avec les bons reflets et tout ... trop bien) dans les derniers Star Wars (beurk, beurk et re-beurk).

Ici, bien au contraire, l'introduction d'éléments fantastiques, qui déréalise rapidement l'histoire, nous fait rentrer dans le domaine de la féérie poétique, dans une forme d'illusion enchanteresse - et c'est ça qui fait pour moi la magie du cinéma, plus que des prouesses techniques d'informaticiens.

La princesse redevenue normale, il se marièrent, vécurent heureux et firent plein de petits califes.

Bref, Le 7e voyage de Sinbad est un excellent film pour les petits comme pour les grands, une aventure riche en rebondissements, à prendre au premier degré (comme toujours), se déroulant dans un monde merveilleux qui résiste étonnamment bien à l'épreuve du temps.

Creature from the Black Lagoon

lundi 16 mars 2009

L'étrange créature du lac noir
Jack Arnold, 1954


Continuons dans les films fantastiques américains des années 50 avec un autre classique du genre, signé également par Jack Arnold : L'étrange créature du lac noir. Tremblez ...

Pitch : embarquée sur un bateau qui remonte l'Amazone, une équipe de scientifiques part à la recherche de fossiles d'un genre inédit qui se trouveraient dans le fond d'un lac inexploré aux eaux noires. Ils vont très vite se rendre compte que ce lac est habité par une créature mi-homme mi-reptile qui va s'avérer être extrêmement agressive et va petit à petit trucider tous les membres de l'équipage.

Comme pour The Incredible Shrinking Man, ce film est avant tout efficace. En peu de temps, l'unité de lieu et d'action est posée : des personnages isolés et en nombre réduit, un cadre restreint (le bateau et le lagon) et un monstre tueur. Nous ne sommes pas très loin du slasher. Le suspense se restreint donc à la réponse aux questions suivantes : quelle va être la prochaine victime ? Sous quelle forme va être la prochaine attaque du monstre ?

Pour un film aussi sérieux dans le ton, j'ai été tout de même un peu gêné par certaines aberrations du scénario. Les premières exterminations des membres de l'équipage par le monstre sont accueillies dans une indifférence générale ("Ah merde, Bobby est mort" sur le ton de "Damn ! J'ai plus de cigarettes") et n'entrainent aucune modification des comportements des survivants ("La moitié de l'équipage est morte ... bon ... et si j'allais me fumer une clope tout seul à l'avant du bateau à la nuit tombée" => mauvaise idée bien sûr !). A un autre moment, nos deux héros partent plonger à la chasse au monstre avec un pauvre couteau et en pleine nuit !

Il reste tout de même de ce film de belles images du monstre nageant sous l'eau, tournant sur lui-même en silence, évoluant avec une certaine grâce au milieu des algues. Jack Arnold sait faire preuve d'une certaine poésie aquatique.

La créature du lac noir dans son élément naturel, et pas contente

D'autre part, il est intéressant de noter que ce monstre va montrer in fine qu'il est capable d'avoir des sentiments : il tombe quelque peu amoureux de la femme du groupe et tente de l'enlever et de la garder pour lui, à la King Kong. Enfin, la conclusion de ce film est assez surprenante, encore une fois très ouverte comme dans The Incredible Shrinking Man.

Bon bon, tout cela se regarde sans déplaisir mais ne fait pas franchement vibrer non plus.

Ce plan me fait penser aux Dents de la Mer
L'inquiétude monte au sein de l'équipage

The Incredible Shrinking Man

vendredi 13 mars 2009

L'homme qui rétrécit
Jack Arnold, 1957


En explorant ces derniers mois l'insondable filmographie de Jess Franco l'italien, Jean Rollin le français ou Mario Bava l'italien, j'ai un peu négligé la série B américaine. J'ai donc tout récemment entrepris de rattraper mes lacunes dans ce domaine.
On commence par un grand classique (d'après ce que j'ai lu) signé Jack Arnold. D'autres suivront très bientôt.

Pitch : comme son nom l'indique, ce film raconte l'histoire d'un homme qui, après avoir traversé une espèce de nuage radioactif, se met inexorablement à rétrécir. Les médecins sont incapables de comprendre son mal et donc de l'aider. Notre héros Scott (Grant Williams) perd son boulot et doit s'enfermer avec sa femme dans sa (grande) maison assaillie par des journalistes en quête de sensationnel. Il se stabilise à un moment à 80cm environ et se retrouve un peu à trainer comme une bête de foire dans le milieu du cirque. Lors d'une touchante scène dans un café, il rencontre d'ailleurs une ravissante femme dans le même cas que lui. J'ai cru à ce moment-là que le film allait devenir une espèce de comédie romantique chez les freaks.

En fait non, pas d'histoire d'amour : notre infortuné héros continue à rétrécir et il est obligé de rentrer chez lui et de se calfeutrer dans une maison de poupée. Après une épique bataille contre son chat, il tombe à la cave à l'insu de sa femme. Notre infortuné héros rétrécit encore et toujours (il ne mesure plus que quelques centimètres) et doit maintenant se battre contre un raz-de-marée (en fait une fuite d'eau), contre une araignée agressive et de manière générale contre tous les objects qui l'environnent et qui sont devenus immenses.

The Incredible Shrinking Man est avant tout un film remarquable d'efficacité : le phénomène de rétrécissement débute immédiatement, le récit est ramassé et très vite on s'intéresse à cette histoire étonnante, sans se demander le pourquoi du comment. Cette efficacité narrative fait aussi la limite du film : toute psychologie est exclue, la personnalité de Scott ne nous est pas exposée et en fin de compte il n'est qu'un homme qui rétrécit. Il est donc assez peu attachant. Peut-être est-ce dû à l'acteur qui est assez inexistant il faut bien l'avouer. On suit donc ses aventures au sens matériel du terme mais assez peu son aventure psychologique à lui.

Le film devient subitement très vivant grâce à la rencontre de Scott avec cette autre fille rétrécie (et très charmante)

Cette regrettable déshumanisation de l'histoire est constante durant tout le film à l'exception de deux moments. D'une part, un début d'histoire d'amour et donc une humanisation du héros surgissent lors de la rencontre de Scott avec une autre femme qui a également rétrécie (comment ? on ne saura jamais). C'est dommage que cet élan romantique soit inexplicablement coupé net. D'autre part, la fin du film est constituée d'un étrange monologue en voix-off du héros qui part dans des élucubrations métaphysiques assez étonnantes. The Incredible Shrinking Man se termine de manière très ouverte et pas classique du tout, laissant le spectateur sur une note rêveuse.

Et enfin, en dehors de cet étonnant finish, je regrette l'absence totale de poésie dans ce film. Avec un tel sujet, je me dis qu'il y avait vraiment de quoi composer des plans esthétiques et inhabituels pour illustrer cette disproportion entre Scott et le monde. Mais en dehors d'un plan de talon de chaussure et de la scène de combat contre le chat, tout cela reste très sérieux et très clinique, à l'opposé du 7e Voyage de Sinbad, qui à partir de la même situation (un personnage devenu minuscule) nous propose des images vraiment émouvantes et humaines. Mais j'en parlerai bientôt.

Au final, histoire d'être un peu lapidaire, The Incredible Shrinking Man nous raconte une bonne histoire, bien construite, avec un soupçon d'étrange, mais c'est à peu près tout ce que j'en retiens d'appréciable.

La lutte de Scott contre son chat
Belle image de talon avec Scott qui galère en arrière-plan

La fille qui en savait trop

jeudi 12 mars 2009

La Ragazza che sapeva troppo
Mario Bava, 1963


Tel l'explorateur en quête des sources du Nil, je continue ma recherche de l'origine du giallo, en suivant toujours le bras Mario Bava et en remontant à contre-courant chronologique. La fille qui est savait trop date de 1963 et est le dernier film en noir & blanc tourné par Bava. Je crois que je touche au but car d'après Wikipedia et d'autres littératures que j'ai lues à ce sujet, La Fille qui en Savait Trop est le film fondateur du genre. Un sacré bonhomme que ce Bava tout de même. Pendant la seule année 1963, il signe en effet trois films marquants : La fille qui en savait trop donc, Les Trois Visages de la Peur dont j'ai déjà parlé et Le Corps et le Fouet dont je parlerai bientôt et qui est une vraie bombe visuelle.

Mais peu importe les catégories des exégètes du cinéma, La fille qui en savait trop est avant tout chose, avant toute classification, un excellent film, mon Bava préféré pour le moment.


Pitch : Nora Davies (Letícia Román), jeune américaine de 20 ans, passionnée de romans policiers, débarque à Rome pour rendre visite à sa vieille tante malade. Sa toute première soirée à Rome s'avère être agitée. Tout d'abord, deux heures après son arrivée, la vieille tante meurt (de mort naturelle). Partie chercher un médecin, Nora se fait agresser et assommer par un brigand qui lui vole son sac et la laisse inanimée sur le trottoir. Au moment où elle reprend ses esprits, la pauvre Nora assiste au meurtre d'une femme par un homme mystérieux dont le visage reste caché.

Bien évidemment choquée, Nora retombe dans les pommes, se fait aider par un autre homme mystérieux qui lui donne de l'alcool pour la réveiller. Celui-ci fuit à l'arrivée de la police. Nora retombe dans les pommes et se réveille à l'hôpital. Bienvenue à Rome ! Heureusement, un jeune médecin ritalo-tchatcheur va aider notre héroïne et celle-ci, pleine de ressources et animée de sa passion pour les histoires policières, va se lancer dans une tortueuse enquête dans toute la ville à la recherche de ce mystérieux tueur. Nombreux seront les obstacles qui se dresseront sur sa route.

La première idée qui vient à l'esprit est que Bava rend par ce film un bel hommage à Alfred Hitchcock. Au-delà du titre qui fait évidemment référence au plus-que-moyen L'Homme qui en savait trop, Bava utilise un certain nombre d'éléments de scénario typiques des films de son aîné : présence d'un objet qui attire l'attention et qui en fait s'avère n'être qu'un leurre (autrement appelé McGuffin - ici c'est le paquet de cigarettes Kent), personnage qui a involontairement vu un meurtre et qui poursuit les méchants tout en étant poursuivi par eux, point de vue unique (celui de Nora), histoire d'amour qui se greffe sur l'enquête policière, alternance de scènes de suspens et de scènes de comédie etc etc.

Et Letícia Román, par sa beauté et sa blondeur, rappelle physiquement les classiques héroïnes hitchcockiennes - bien qu'elle n'ait pas la froideur habituelle de ces dernières. Nora est en effet bien vivante, espiègle et attachante, loin en fin de compte d'une certaine raideur nordique qu'on trouve chez Grace Kelly ou Indrid Bergman

Ce dernier point fait d'ailleurs partie des éléments grâce auxquels Bava évite le piège de la simple décalque des films d'Hitchcock. La fille qui en savait trop porte en effet une marque plus personnelle, plus méditerranéenne. Il y a dans ce film un ton léger, une vivacité et un humour qui sont tout à fait rafraîchissants. Lors des promenades romaines de Nora et du jeune docteur, le film prend des airs de comédie romantique et lorsque Nora essaie d'appliquer les recettes du polar à sa propre enquête (voir la scène où elle répand du talc et tend des fils pour piéger un éventuel assassin), l'histoire devient franchement réjouissante, ludique.

Il est d'ailleurs impossible de ne pas tomber sous le charme de Nora, qui bascule en permanence entre des périodes presque ludiques, quand elle fait sa Sherlock Holmes, passionnée qu'elle est par cette histoire tout droit sortie de ses lectures habituelles, et des moments de vraie panique quand un tueur est à ses trousses ou que le vent fait claquer une fenêtre.

Motif récurrent dans les films de Mario Bava : un gros plan sur une main qui hésite à ouvrir une porte

Le réveil à l'hôpital
J'aime particulièrement la scène du réveil de Nora à l'hôpital. Elle ouvre les yeux, ne comprend rien à ce qui lui arrive mais reste persuadée de la véracité de ses souvenirs de la nuit. A son chevet, viennent tour à tour se pencher tout un tas de gens qui sont persuadés qu'elle est mythomane ou alcoolique. Mario Bava filme ce défilé par un série de champ/contrechamp qui rend superbement compte de l'angoisse ressentie par Nora à la vue de ces inquiétants personnages.

Quelles sont ces curieuses choses ...
... qui se penchent sur le lit de Nora ?

Des bonnes sœurs bien sûr ! (j'adore les bonnes sœurs)
"Je vous dis que je ne suis pas folle !"

Puis c'est au tour du psychiatre fou de se pencher ...
... sur la pauvre Nora qui n'ose même plus regarder

Et enfin un troupeau de médecins inquisiteurs
"Au secours ! Laissez-moi sortir !"


Cette très belle scène, pleine d'humour, n'est pas sans rappeler le réveil de Cary Grant dans La Mort aux Trousses après son kidnapping, lorsqu'il essaie de convaincre la police qu'on l'a forcé à boire et qu'on a bien tenté de le tuer. Cette incompréhension entre le héros et son entourage est vraiment stimulante pour le spectateur : on sait que notre héros a raison et on a envie de se lever de notre siège et de dire "Mais si ! Il dit la vérité messieurs, écoutez-le !". Bref, le spectateur vit devant une scène comme celle-ci. Et comme chez Hitchcock, ce passage est aussi fondamental pour l'histoire car cette incrédulité des "autorités" va pousser notre héroïne à ne faire confiance à personne et à mener son enquête par elle-même. Cela justifiera le fait qu'elle n'appellera jamais la police.

La lumière dans les yeux
Enfin, il faut souligner l'extraordinaire qualité de la photographie de ce film (le chef opérateur n'est d'ailleurs autre que Bava lui-même). Plus je vois de films, plus je suis sensible à la photographie et plus particulièrement à la lumière. Ici, je suis comblé tant Bava soigne l'éclairage des visages de ses acteurs. Presque tous les gros plans sur les visages sont d'une beauté remarquable, renforcée par un superbe noir et blanc bien contrasté, tirant ainsi vers un certain expressionnisme tant les yeux sont mis en valeur. Quelques images sont plus parlantes qu'un long discours :
Le plan emblématique du film : éclairage orienté sur des yeux écarquillés dans une composition de guingois. Superbe !

Nora en plein doute nocturne
Eclairage par derrière

Encore une magistrale composition de lumière
Caméra en bas, lumière d'en haut


En résumé, ce film a tout pour plaire : une histoire solide, du suspens à tous les étages, une certaine frivolité, une actrice attachante et une superbe photographie. A la réflexion, La fille qui en savait trop est un peu la rencontre de Lubitsch et Hitchcock. Viva Bava !