Steamboat Bill Jr.

lundi 9 février 2009

Cadet d'eau douce
Charles Reisner & Buster Keaton, 1928


Pitch : après 10 ans d'éloignement, William Canfield (Buster Keaton), dit Steamboat Bill Jr, retrouve son rude gaillard de père qui est capitaine du ferry fluvial Steamboat. Au grand désespoir de ce dernier, notre héros, frêle jeune homme un peu poète, paraît complètement inadapté au métier viril de pilote de ferry que lui destine son père.

Qui plus est, Bill Jr est amoureux de Kitty King, la fille du concurrent détesté de la Steamboat Co. Le père a plus d'une fois envie de déshériter son fils voire de le jeter par dessus bord. Toutefois, après cette première mésentente et des débuts chaotiques, Bill va se montrer héroïque lors d'une tempête qui va ravager la petite ville fluviale dans laquelle se déroule notre histoire ...

Ce qui frappe avant tout dans ce film, c'est l'agilité physique de notre héros. Comme Chaplin, Buster Keaton est venu au cinéma en passant par la case music-hall. Il est au départ un saltimbanque (sans la moindre connotation péjorative) et cela se voit à l'écran : son corps paraît élastique, il tombe sans se faire apparemment mal, grimpe tel Jackie Chan le long du ferry, se prend un nombre incalculable d'objets dans la figure (tous les cartons du camion par exemple) et finit toujours par se relever, comme insensible à la douleur.

Dans le pitch ci-dessus, j'ai utilisé le mot inadapté à escient. Comme chez Chaplin (toujours), le principal ressort comique nait du décalage. Buster Keaton n'est jamais au diapason de son entourage. En temps "normal", il est complètement perdu et maladroit : il ne sait pas exercer son métier de conducteur de ferry, il n'arrive pas à choisir un chapeau et il descend du mauvais côté du train. A contrario, dans des circonstances exceptionnelles, quand il s'agit de délivrer son père ou quand la tempête s'abat et que toute la population de la ville est complètement désemparée, lui seul garde son sang-froid et fait preuve d'une agilité sans égal. Buster Keaton est drôle car il est toujours à contre-courant de ses semblables.

Ce décalage permanent se prolonge également dans sa relation avec le spectateur : ce dernier "voit " souvent avant lui le danger qui se présente, la peau de banane sur laquelle il va glisser. En plus d'accentuer le côté comique, ce procédé apporte une forme de suspense et on passe son temps à se dire "Aïe aïe aïe, comment va-t-il s'en sortir ?". Et on applaudit à chaque fois car il s'en sort toujours le bougre !

Là, notre héros n'a pas vu le trou à sa droite. Nous oui.
Et évidemment il avance sans regarder => gag !


Le film se termine en apothéose par la séquence époustouflante de la tempête qui ne dure par moins de 12 minutes. Au sein de ce morceau de bravoure pendant lequel il est difficile de reprendre son souffle, tant les gags visuels les plus hallucinants s'enchainent sans le moindre temps mort, on trouve l'une des séquences les plus impressionnantes que je connaisse : la fameuse chute de la façade qui épargne miraculeusement notre héros (cf. images ci-dessous). Quant on pense que cette scène a été réalisée, en une prise, sans aucun trucage, on en tremble encore pour Buster Keaton..


Notre héros, imperturbable dans la tempête, ...
... n'a pas vu la maison derrière lui qui menace de s'effondrer


Même au bout de 15 visions, j'en tremble encore pour lui ...
... qui réalise à peine ce qu'il lui a failli lui arriver


Steamboat Bill Jr est un de ces films où j'ai spontanément applaudi (pour de vrai, tout seul devant ma télé) lorsqu'est arrivé le générique de fin. Bravo, bravo. Il y a dans ce bijou de cinéma une inventivité visuelle, comique et poétique, qui est franchement jubilatoire. Sans jamais tomber dans la mièvrerie, Steamboat Bill Jr réunit le rire et l'émotion avec une virtuosité dont je ne trouve l'équivalent que chez Charles Chaplin.

Qu'est devenu le cinéma burlesque de nos jours ? Quel acteur joue encore ainsi avec son corps ? Qui fait encore du splastick, des gags purement physiques et visuels ? Je ne sais pas, je cherche.

Sa fiancée l'attend en arrière-plan mais lui, comme souvent, ne l'a pas vue. Un plan magnifiquement composé dans lequel les personnages, par leur attitude corporelle, expriment une vraie émotion.

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