La bande-son de votre correspondance à Châtelet-Les Halles

lundi 24 novembre 2008

Voici trois titres dont l'écoute, à un volume élevé, est particulièrement adaptée aux déambulations dans les couloirs glauques du métropolitain.

Châtelet
Zum Zum de l'anglais Mike Monday est une petite perle d'électro minimale. Le passage entre 1 et 2 minutes est pour moi le plus réussi : sur une rythmique aussi basique qu'efficace se déposent des petites touches sonores (des tchak, des cling, des wizzz) qui sont comme autant de coups de pinceaux de cette toile sombre, dépouillée et déshumanisée.







Mike Monday - Zum Zum (Audiojack Remix)

Les deux filous de Justice ont composé en septembre dernier la bande-son du défilé de la collection Dior Homme. Cette œuvre s'appelle Planisphère et est découpé en 4 morceaux. Le premier, ci-dessous, reprend tous les ingrédients qui ont fait le succès du duo : une rythmique lente et lourde, des sonorités abrasives qui composent une mélodie simple et accrocheuse et surtout ces synthés-orgue (à 3'35) qui donnent toujours un côté messianique à leurs chansons. Rien de révolutionnaire là-dedans mais ça reste bigrement efficace. Ces deux types sont vraiment très forts.







Justice - Planisphère (Part 1)

Zombies, des new-yorkais de Designer Drugs, est une chanson bien glauque qui débute sur les chapeaux de roue, un peu trop d'ailleurs. Mais attendez 25 secondes et vous entendrez l'arrivée d'un thème de synthé très accrocheur et très inquiétant : la bande-son d'un scène de poursuite dans une film d'épouvante. Au bout de 52 secondes, surgit une rythmique imparable qui ressemble au meilleur de Boys Noize. Le break à 2'25 est franchement apocalyptique, d'une séduisante noirceur. Bref, même si tout cela est plutôt sombre, c'est que du bon.







Designer Drugs - Zombies

Nuits Rouges - Georges FranjuLa vision que j'ai de mes congénères du métro (image extraite de Nuits Rouges de Georges Franju - 1974)

Rames sans conducteur, tourniquets qui bippent, distributeurs automatiques de tickets, voix enregistrées : je me demande parfois comment on a fait pour en arriver à un tel niveau de déshumanisation dans l'environnement souterrain de Paris. Ca me laisse perplexe. A partir de quand cela a-t-il commencé à clocher ? Est-ce inéluctable ? Tournez à gauche, serrez à droite, attendez avant de monter, levez-vous de votre strapontin etc. Dans cet univers parallèle où la vie semble être mise entre parenthèses, le champ des possibles est sacrément restreint. Et puis toutes ces rames, ces couloirs, ces quais sont décorés de manière tellement étrange : qui voudrait ce mobilier impersonnel et cet éclairage blafard dans son salon ?

Dans cet environnement irréel, la foule m'évoque la photo ci-dessus : cohorte de morts-vivants vaguement menaçants, au regard vide et aux gestes mécaniques. Moi le premier. Pour que la pilule passe mieux, j'écoute alors les trois titres ci-dessus. Ces chansons abstraites et désincarnées, sans paroles et sans chaleur, m'aident à rentrer en osmose avec les troupeaux de zombies qui m'entourent et les néons glauques qui m'éclairent. Paradoxalement, ces chansons m'aident aussi à me détacher de tout cela et me font un peu flotter au-dessus de la masse. Je trouve qu'on se sent un peu comme Christopher Walken dans The Deer Hunter : partie prenante d'une grande machine mais détaché de soi, extérieure à sa personne.

Châtelet-les Halles : bienvenue en enferBienvenue dans un monde parallèle

Bon, je dis tout ça parce que c'est mon quotidien. Il y a 10 ans, sur les mêmes chansons, j'aurais peut-être écrit "Ouais, ça me rappelle trop le set de DJ machin, au lever de soleil sur la plage à Ibiza, avec Bobby et ce groupe de danoises, en pleine descente d'ecsta (les danoises, pas moi). Trop bien.". Autres temps, autres évocations.

Judex

jeudi 20 novembre 2008

Judex - Georges Franju - PosterGeorges Franju, 1963

En 3 films à peine (Les Yeux sans Visage, Judex et Nuits Rouges, dont je parlerai bientôt), Georges Franju vient de faire une entrée fracassante dans mon Top 10 des cinéastes préférés. J'ai bien peur que mon compteur Franju reste bloqué à 3 films pendant un certain temps. Ses autres films n'ont en effet jamais été édités en DVD (ou même en VHS) et sont absolument introuvables sur le net. J'ai vu qu'un autre de ses films, Pleins Feux sur l'Assassin (1960) serait projeté le 26 décembre à la Cinémathèque et j'hésite maintenant à écourter mes vacances de Noël pour ne pas le rater !

Judex est un remake du serial du même nom, réalisé par Louis Feuillade en 1916. Ou plutôt un hommage - comme nous le verrons plus loin. Ancêtre glorieux de Prison Break ou Plus Belle La Vie, le serial était un format de feuilleton à épisodes, très populaire dans les années 10, dont les plus connus étaient Les Vampires et surtout Fantômas (tous deux signés du même Louis Feuillade). Chacun des 10-12 épisodes d'une série était un moyen-métrage muet, parfois publié simultanément sous forme de romans-feuilletons dans les journaux, qui mêlait enquêtes policières à rebondissements, héros masqués et éléments fantastiques. Tous ces éléments sont repris avec beaucoup de bonheur par Georges Franju.

Judex - Georges Franju - Francine BergéDiana (Francine Bergé) en espionne masquée

Pitch : Judex (Channing Pollock), justicier masqué de son état, menace à coup de lettres anonymes de dénoncer le banquier Favraux, un fieffé gredin qui a trempé dans des affaires louches. Le banquier ne s'en soucie guère dans un premier temps et pense avant tout à organiser un bal de fiançailles pour sa fille Jacqueline (Edith Scob). Lors de cette fête, Favraux est mystérieusement assassiné. Profitant du trouble créé par cette mort, Diana (la divine Francine Bergé), ancienne employée des Favraux, tente de mettre la main sur des documents compromettants. Sa tentative échoue de peu et faute de mieux, elle décide d'enlever Jacqueline, la belle et évanescente fille du banquier mort (mais est-il vraiment mort ?) et dont est amoureux Judex. Bref, commencent alors de grandes parties de cache-cache et autres course-poursuites entre Judex et sa bande, Diana et sa bande et même le savoureux détective Cocantin qui ne comprend rien à rien. Mais, que fait la police me direz-vous ? Eh bien, rien, il n'y pas plus de police dans ce film que de vraisemblance. Mais cela n'a aucune importance.

Bon, je ne ferai pas durer le suspens plus longtemps : Judex est un chef-d'œuvre éblouissant, d'une grande modestie doublée d'une intelligence rare, un pur morceau de cinéma jubilatoire.

Un hommage
Comme dit plus haut, Judex est tout d'abord un hommage aux serials muets. Au-delà d'un certain nombre de gimmicks purement techniques (ouverture à l'iris, fondu au noir, cartons d'intertitres), l'histoire fait intervenir beaucoup d'ingrédients caractéristiques de ces serials : rebondissements à l"infini, chausses-trappes, deus ex machina, tours de magie, machines fantastiques et poursuites en voiture. Il est impossible de s'ennuyer une seconde. Contrairement aux Brigades du Tigre (la série TV hein, pas le film de 2006 avec l'infâme Clovis Cornillac) que je trouvais empêtrée dans une certaine rigueur formelle (née sans doute d'une volonté de reconstitution historique précise qui étouffe la fantaisie), Franju prend ici un parti pris esthétique qui fait que son film va au-delà de l'humble hommage à ces feuilletons policiers d'époque.

Judex - Georges Franju - Channing PollockPoursuite en voiture d'époque avec le jeune Pierrot, le savoureux détective Cocantin et l'inexpresssif Judex

Là où Franju est très fort, c'est qu'il arrive à nous faire aimer son hommage même si on ne connaît pas les films originaux (Les Vampires et Judex donc : que je n'ai jamais vus mais que je brûle de découvrir maintenant). Il n'y a jamais d'insistance sur les références utilisées, jamais de lourds clins d'œil de connivence au spectateur (en dehors peut-être d'un gros plan sur un livre de Fantômas). En fait, Franju se sert de ces films muets comme d'une boîte à outils dans laquelle il pioche certaines recettes qui lui permettent de servir son propos, le tout avec beaucoup d'humilité (Franju n'est pas un pillard). Et quel est ce propos ? Selon moi, il est d'offrir un poème visuel à son spectateur, une illustration cinématographique du surréalisme.

Un cinéma de corps
Judex - Georges Franju - Edith ScobFranju fait assez vite passer au second plan l'histoire invraisemblable qui nous est racontée. Ce qui compte pour lui, c'est l'image et l'émotion qu'elle dégage. Plus précisément, Judex est un film de corps. Les personnages sont incroyablement marquants, non pas par l'importance qu'ils ont dans l'histoire, ni même par leurs dialogues, mais uniquement par leurs apparences corporelles : silhouette, costume et visage. Tous crèvent l'écran, non par leur jeu d'acteur, mais tout simplement par leur existence physique. Franju ne saurait rendre ainsi un plus bel hommage au cinéma muet.

Le héros Judex, désincarné, impassible et inexpressif semble ne pas appartenir au monde des vivants. Edith Scob, toute de blanc vêtue, diaphane et évanescente, paraît sortie d'un tableau de Botticelli. Mais celle qui m'a le plus impressionné est Francine Bergé : avec sa tunique noire ultra-moulante, son masque de chat sur les yeux, son accroche-coeur dans les cheveux et sa dague le long de la cuisse, elle incarne l'un des personnages féminins les plus sexy et fascinants qu'il m'ait été donné de voir. Elle me rappelle d'ailleurs fortement l'über-sexy Emma Peel (période Diana Rigg) de Chapeaux Melons et Bottes de Cuir. Après un peu de recherche, il s'avère que ce personnage est directement inspiré d'Irma Vep, héroïne des Vampires de Feuillade (1914) et interprétée par la vénéneuse Musidoria.

Judex - Georges Franju - Francine Bergé - Strip tease nonne
Je ne suis pas prêt d'oublier le strip-tease que nous offre Diana déguisée en nonne. Notez qu'elle n'enlève sa coiffe qu'à la fin ! Délicieusement fétichiste et osé pour l'époque ...

Au-delà des personnages, on retrouve dans Judex le bestiaire habituel de Franju (dont le premier court-métrage, Le Sang des Bêtes, était un documentaire sur les abattoirs du Canal de l'Ourq) : des chiens, des colombes (celles qu'on retrouvera plus tard chez John Woo), des hommes-araignées qui grimpent le long des murs et surtout des personnages à tête d'oiseau qui hantent le bal masqué, qui est pour moi une des plus belles scènes de cinéma qu'il m'ait été donné de voir.

Au bal masqué ohé ohé
La scène la plus marquante du film est donc le fameux bal masqué donné en l'honneur des fiançailles de Jacqueline. Au-delà du luxe majestueux qui s'en dégage, l'élément marquant de cette scène est que chaque invité porte un masque d'oiseau. Je laisse la parole à mon ami Jean Rollin :
"(...) le célèbre plan de JUDEX, qui part de ses pieds et remonte : on voit alors le personnage en smoking avec une tête de vautour tenant dans sa main une colombe morte en apparence, et il avance en traversant la salle du bal masqué et vient se mettre devant le maître des lieux avec sa colombe et il la ressuscite… sur la musique de Maurice Jarre. C'est un des plus beaux plans de toute l'histoire du cinéma pour moi. Je me le repasse souvent, mais bon c'est Franju qui l'a fait et signé, avec son immense talent."
Judex - Georges Franju - Bal masqué
Jean Rollin a bien raison : cette scène est stupéfiante de beauté, lourde d'une signification que je n'arrive pas à identifier mais qui plonge dans le plus profond de nos sens. J'aimerais bien avoir l'avis d'un psychanalyste sur cette scène ! En la voyant, on pense évidemment à cette scène de bal costumé orgiaque dans Eyes Wide Shut de Kubrick. Pour ma part, je pense également à quelques plans de La Vampire Nue de Rollin, où des personnages à têtes d'animaux se livrent à des expérimentations scabreuses sur des filles vampires.

Vous pouvez voir cette scène, en assez bonne qualité, ici. Mais pour les parisiens patients, attendez plutôt le passage du film à la Cinémathèque le 28 décembre à 19h. J'aurais vraiment préféré découvrir cette scène inoubliable sur grand écran plutôt que sur ma petite télé.

Judex - Georges Franju - Edith Scob - Bal masqué

Entendons-nous bien, Judex n'est pas non plus exempt de défauts (l'insignifiance de Channing Pollock, l'abondance de scènes qui dépassent la vraisemblance) mais ces petites failles sont balayées par l'extraordinaire esthétique du film et par beaucoup d'autres qualités que je peine à énumérer : l'économie de dialogue mettant si bien en valeur la narration, un humour omniprésent via ce personnage de Cocantin ou encore un expressionnisme constant (notamment via ces prises de vue où le premier et l'arrière plan sont séparés par une vitre).

Tentative de conclusion
Contrairement à un certain nombre de films-hommages qui n'ont pas d'existence propre (c'est à dire qu'ils n'auraient aucune valeur si l'objet de leur hommage n'avaient pas été là, je pense en particulier aux films de Tarantino, à la nouvelle trilogie Star Wars, à la franchise Scary Movie), Judex transcende les influences dont il se réclame.

On peut ne rien connaître des serials des années 1910, on peut même n'avoir jamais vu de films muets et, allons-y, on peut même n'avoir jamais vu de film tout court, on sera forcément bouleversé par Judex, objet de fascination qui nous ramène à l'essence même du cinéma : des images animées qui nous font voyager, vibrer, vivre. Oui, le cinéma semble avoir été inventé pour que des œuvres sensorielles comme Judex ou Mulholland Drive soient proposées à nos yeux ébahis.

Judex - Georges Franju - Francine BergéHelp !

Judex - Georges Franju - Channing PollockJ'aime beaucoup la construction de ce plan hautement expressionniste

Judex - Georges Franju - Francine BergéUne dernière fois, l'exquise Diana (Francine Bergé) en costume d'Irma Vep, avec sa petite dague à la cuisse

Italians Do It Better

mercredi 19 novembre 2008

Je n'ai pas tellement trouvé le temps récemment de découvrir de nouvelles pépites pointues donc j'en profite pour me pencher un peu sur l'Italo-Disco, ce genre musical d'une incroyable richesse qui s'est développé au début des années 80 et a connu son apogée en 83-85. Comme son nom l'indique, l'Italo-Disco vient du Disco, sur lequel ont été rajoutés des influences New Wave anglo-saxonnes, apportant ainsi une touche de mélancolie et surtout des synthés dégoulinants. L'Italo-Disco n'est pas exclusivement italienne, on trouve des groupes anglais ou allemands, mais la plupart des producteurs et compositeurs venaient de l'Italie du Nord.

1982, kick-off de l'Italo-Disco : l'équipe d'Italie est championne du monde de football

Avec sa succession de one-hit wonders et de groupes sans lendemain, l'Italo-Disco, à vocation résolument populaire, a longtemps été déconsidéré par l'élite avant que des artistes très actuels et très branchés ne se le rapproprient : des groupes aussi divers que Calvin Harris (avec sa chanson-aveu Acceptable in the 80s), Black Strobe (qui définit sa musique comme de l'italo-disco-goth !), Crystal Castles, Pnau, Shy Child ou Chromeo assument pleinement l'héritage de ces petites merveilles pop du début des années 80.

1. P.Lion : le pape de l'Italo-Disco
A tout seigneur tout honneur, commençons par P.Lion, de son vrai nom Pietro Paolo Pelandi, milanais pur souche au look de gendre idéal. Son premier single, Happy Children, a cassé la baraque en 1984 et s'est retrouvé en tête de tous les charts européens.







P.Lion - Happy Children

Son deuxième single, Dream, où l'on retrouve cette espèce de saxo-synthé qui fut sa marque de fabrique, a également été un grand succès. On connaît bien ce titre en France car il était la musique du générique d'une toute nouvelle émission sur une toute nouvelle chaîne : le fameux TOP 50 de Marc "les-p'tits-clous" Toesca. Pour une petite piqure de nostalgie que les moins de 30 ans ne peuvent pas connaître, je vous conseille vivement cette vidéo. En revanche, ne vous sentez pas obligé d'écouter Dream jusqu'au bout : au-delà de 4 minutes, ça devient assez horrible mais avant, vraiment, c'est que du bon.







P.Lion - Dream


2. USSR ou l'Italo-Disco Canal Historique
On enchaîne avec Eddy Huntington, un anglais, dont le premier titre et immense tube, USSR, a été écrit et produit par deux italiens. Cette excellente chanson est pour moi la quintessence de l'Italo-Disco. On y retrouve tous les ingrédients :
  • une bonne intro bien rythmée
  • un thème imparable décliné par des synthés-violons bien lourds, bien pleins (0'40)
  • des choeurs assez kitsch (0'55)
  • une voix pop et androgyne qui chante des couplets mélancoliques et un refrain accrocheur.
Et puis, toujours, des petits coups de synthés ici ou là, des mini solos de boite à rythme. Bref, une vraie réussite (j'insiste !).







Eddy Huntington - USSR


3. Ken Laszlo, le parrain
Une autre figure incontournable de l'Italo-Disco est Ken Laszlo, dont voici le titre-phare Hey Hey Guy. J'aime bien cette intro parlée que ne renierait pas aujourd'hui un groupe comme Mysteria.

Comme tant d'autre tubes Italo-Disco, Hey Hey Guy regorge de naïveté et de créativité : on sent que les types qui font ça s'amusent, explorent de nouvelles pistes avec leurs instruments électroniques et partent dans toutes les directions (cf. ce drôle de break à 2'15) - le tout avec une énergie très premier degré et une certaine absence de conscience de soi (il fallait vraiment n'en avoir aucune pour avoir de telles coupes de cheveux).







Ken Laszlo - Hey Hey Guy



4. Le meilleur titre d'Italo-Disco
Puisqu'on parle d'énergie, le summum dans le genre survitaminé est pour moi You Spin Me Round, ce fantastique tube italo-disco des anglais de Dead or Alive, dont le chanteur a un look kitschissime qui n'est pas sans rappeler Tokio Hotel. Je suis frappé par le crescendo permanent de cette chanson :
  • Premières secondes : le cri de ralliement "Watch out ! Here I come !" nous rappelle qu'on n'est pas là pour cueillir du muguet.
  • Très vite après : kick de batterie, mise en place de la rythmique. Ça avance pied au plancher, avec de petites giclées de synthé bien jouïssives.
  • 0'27 : arrivée d'une basse groovy au possible, la boum bat son plein.
  • 0'56 : alors qu'on croyait le climax atteint, on entre en hyper-espace avec l'arrivée d'un nouveau synthé et surtout une nouvelle accélération du tempo.
  • 1'18 : arrivée à sec du refrain ("You spin me right round baby right round ..."). La chanson devient une vraie locomotive, inarrêtable, lancée à pleine vitesse pour retourner les dancefloors de nos vertes années.
  • Et ensuite, on assiste à une succession de faux breaks ultra rapides et de micro solos de boites à rythmes déchaînées. Rien ne semble pouvoir ralentir cette machine folle (notez le bruit de verre cassé à 2'48).
Il y a une telle urgence dans cette chanson ! Comme si Dead or Alive n'avait que 4'30 pour laisser une empreinte dans l'histoire de la musique et qu'ils jouaient leur chance à fond.







Dead or Alive - You Spin Me Round (Like a Record)
Bon, vous l'aurez compris, j'adore You Spin Me Round. Si cette chanson était de Depeche Mode ou de New Order, nul doute qu'elle aurait une méga top crédibilité et serait régulièrement encensée par les Inrocks, Télérama et autres dictateurs du bon goût. Malheureusement, il ne s'agit ici que des ringardissimes Dead or Alive et cette chanson est cantonnée aux soirées rallyes du 16e. Dommage.

5. Atterrissage en douceur
Et pour terminer sur une note plus calme, voici un slow de Den Harrow, autre mastodonte de l'Italo-Disco, Stefano Zandri de son vrai nom. Sorti en 1987, Don't Break My Heart est un de ses derniers hits. Peut-être allez-vous hurler en entendant les premières notes de cette chanson, genre "Là c'est plus possible, les bornes du bon goût sont dépassées !".

Bon, c'est vrai que ça fait un peu peur au début mais, au bout de 2 ou 3 écoutes (eh oui ... j'ai donné de ma personne pour faire ce billet, à me farcir plusieurs fois un quadruple CD Best Of Italo Disco qui contenait son lot de daubes infâmes il faut bien l'avouer), donc bref, au bout de quelques écoutes, vous ne pourrez qu'être ému par la mélodie du refrain (à 1'25) et séduit par l'arrivée tout en douceur d'une rythmique impeccable vers 1'40.

En dehors de paroles bien faiblardes ("You took me by surprise / Just like a rainbow in the night" ... hum hum), Don't Break My Heart est pour moi une incontestable réussite, une chanson vraiment émouvante.








Den Harrow - Don't Break My Heart

Girl Next Door

mardi 18 novembre 2008

Luke Greenfield, 2004

Pitch : Matthew (Emile Hirsch), lycéen lambda tendance nerd, se sent un peu exclu des "mecs cools" de son école qui eux ont des voitures, sortent avec des filles et roulent des mécaniques. Tout va changer le jour où la très jolie Danielle (Elisha Cuthbert, la fille de Jack Bauer dans 24) s'installe dans la maison d'à côté et semble s'intéresser à lui. Leur idylle naissante permet à Matthew de redorer son blason auprès des "mecs cools" du lycée mais tout bascule le jour où Matthew se rend compte que Danielle est en fait une actrice de films X. Après une première réaction de dégoût, il décide d'aimer cette fille pour ce qu'elle est, plutôt que de la rejeter pour ce que ses amis hilares lui en montrent. Avec ses deux potes encore plus nerds que lui, Matthew va même essayer de sortir Danielle de l'enfer du cinéma pornographique en l'affranchissant auprès de son producteur. A la fin, tout s'arrange et, en tournant un film X pendant la prom night, ils gagnent plein de blé ce qui permet à Matthew de rentrer à l'université. Quelle belle morale !

Pour se reposer des films fascinants mais quelque peu épuisants que j'ai vus récemment, rien de tel qu'un bon college movie totalement décérébré (au passage merci Corentin pour cette recommandation, même si je ne m'attendais pas exactement à ça). Avec ses personnages bien typés (le nerd sympa qui cherche à s'en sortir, le caïd-connard qui finit par se ridiculiser), ses scènes dans les couloirs devant les casiers rouges, ses pool parties décadentes (où on les voit toujours boire dans des gobelets en carton genre McDo : quelqu'un peut m'expliquer pourquoi ?) et, bien sûr, sa prom night qui fournit le cadre du dénouement final, bref avec toutes ces figures obligées, et malgré leur systématicité, le college movie est un genre que j'affectionne et qui peut parfois s'avérer étonnamment subversif.

Au passage, mon top 7 des college movies :
  1. Retour vers le Futur bien sûr : "Vous n'êtes qu'un tocard McFly"
  2. Scream : j'ai vraiment eu peur en le regardant
  3. Carrie : pour l'inoubliable scène avec le seau de sang
  4. The Virgin Suicides : aaah Kirsten Dunst ...
  5. American Pie : très gras, très lourd, très drôle (le 1 j'entends)
  6. Peggy Sue Got Married : excellent film, méconnu, de FF Coppola
  7. Sexe Intentions : étonnante adaptation des Liaisons Dangereuses à la sauce Melrose Place - une apologie du dandysme à voir absolument !

Bon, je ne rajouterai pas Girl Next Door dans mon top 7 mais je me suis quand même amusé à regarder les tribulations rocambolesques de notre nerd tombé amoureux d'une actrice porno. La blonde Elisha Cuthbert, si horripilante dans la série 24, est tout de même assez sexy il faut l'avouer - d'autant plus qu'elle permet à notre héros de rendre possible le fantasme masculin de coucher avec une actrice X, forcément experte (et donc initiatrice et donc dominatrice et donc maternelle : here we are Œdipe !).

Ne nous leurrons pas, Girl Next Door est quand même plutôt mal filmé, le scénario cousu de fil blanc, les personnages archétypaux et le final réussit le tour de force d'être à la fois mièvre et amoral. Maaaais .. bon c'est aussi souvent drôle. Je pense en particulier à l'épopée de nos trois loosers au salon du cinéma adulte ou encore cette scène où Matthew doit prononcer un discours très solennel alors qu'il est sous ectasy. L'arrivée de toute une troupe d'actrices porno dans le cadre très rigide de la prom night est également assez savoureuse.

Tout est bien qui finit bien entre Mattew et Danielle. Ils se marièrent et firent beaucoup de films porno.

Et donc à l'arrivée, pour peu qu'on ne soit pas trop exigeant, ce film passe et en devient attachant - tout spectateur masculin étant obligé de se reconnaître peu ou prou dans le personnage de Matthew.

Les Yeux Sans Visage

mercredi 12 novembre 2008

Georges Franju, 1959

J'ai entendu parler de Georges Franju en lisant une interview de Jean Rollin dans laquelle il déclare :

"Oui, en effet George Franju est le réalisateur qui m'a le plus influencé, c'est vrai. J'aurais donné beaucoup pour pouvoir faire un plan comme le dernier plan des YEUX SANS VISAGE, j'aurais donné dix ans de ma vie pour le faire."

Voilà qui m'a mis la puce à l'oreille ... D'autre part, j'avais remarqué qu'une salle de projection de la Cinémathèque Française porte le nom de Georges Franju : il est en effet le co-fondateur avec Henri Langlois de cette vénérable institution.

Je tenais donc deux bonnes raisons de me procurer et visionner Les Yeux Sans Visage. Je n'ai été aucunement déçu. Vous vous êtes sûrement déjà demandé si il existait un film d'horreur français qui date des années 50 ? Eh bien la réponse est oui ! Et il se trouve que ce film n'est pas uniquement une curiosité mais un véritable chef-d'œuvre.

Pitch : l'histoire est assez simple. Le chirurgien Gennessier (Pierre Brasseur) est responsable d'un accident de voiture qui a défiguré sa fille Christine (Edith Scob). Celle-ci est obligée de porter un masque blanc et, sans visage, elle erre comme une âme en peine dans l'immense château de son père. Avec l'aide de son assistante Louise (Alida Valli), le docteur/savant fou décide donc d'enlever et assassiner des jeunes filles qui ressemblent à Christiane (jeunes, blondes, yeux clairs) dans le but de sauver sa fille. Dans son bloc opératoire caché en son château, il se lance dans des opérations chirurgicales bien gore pour prélever sur ses victimes des éléments de visage qu'il va ensuite greffer sur le visage de sa pauvre fille Christiane. Naturellement, entre greffes ratées, inspecteurs suspicieux et remords tardifs de Christiane, tout ne va pas se passer comme prévu ...

La fascinante Edith Scob, masquée, en robe Givenchy

Notre ami Jean Rollin a bien raison, Les Yeux sans Visage est un film d'une beauté éblouissante. Dans des décors épurés et souvent majestueux, Franju emploie un noir et blanc glacial dont les lignes de séparation sont aussi tranchantes que le scalpel de notre bon docteur. Le film est fidèle à son titre : que ce soit Christiane avec son masque, une jeune victime avec ses bandelettes ou Gennessier avec son masque de chirurgien, le visage des protagonistes est souvent caché et ceux-ci ne s'expriment que par des regards hallucinés. L'expressionnisme n'est jamais loin. Le surréalisme non plus. Je ne compte plus le nombre de fois où j'ai été ébloui par les plans de ce film : la composition, la lumière et les mouvements de caméra atteignent la perfection plastique. Les plus inoubliables de ces plans sont pour moi les séquences montrant Christiane, masquée, en plein crise d'identité (et pour cause !), succombant tour à tour au désespoir et au remords.

Un superbe plan parmi tant d'autres : lumière & composition, tout est là.

Si vous avez vu Face/Off (Volte Face, avec Nicolas Cage & John Travolta), vous serez frappé par les analogies entre le film de John Woo et Les Yeux Sans Visage. D'une part, Georges Franju paraissait lui aussi fasciné par les colombes blanches qui apparaissent dans nombre de ses films (ainsi que dans Le Frisson des Vampires de mon copain Rollin !). Mais surtout : vous souvenez-vous de ce passage de Face/Off où les deux visages de nos héros sont découpés au scalpel et interchangés ? Eh bien, cette scène est presque une copie plan pour plan du film de Franju ! Il faudrait que je remette la main sur Face/Off pour faire une étude comparative poussée.

En attendant, en dehors de l'idée qui est exactement la même, Les Yeux Sans Visage présente le même enchaînement de plans que l'on retrouvera 40 ans plus tard dans le film de John Woo : le contour du visage dessiné au crayon, le découpage au scalpel, la goutte de sang qui perle vite essuyée, l'arrachage du visage proprement dit, les bandelettes qui recouvrent toute la tête et surtout, surtout, les plans fugitifs et flous sur la tête rouge et défigurée sur laquelle on n'a pas encore remis de visage. L'analogie est stupéfiante (mais n'enlève rien à la qualité de Face/Off - un peu à son originalité peut-être). Au passage, cette scène de découpe de visage est incroyablement gore, sanglante, explicite et je me demande comme elle avait pu passer entre les mailles de la censure en 1959 ! J'ai lu qu'à l'époque de nombreux spectateurs s'étaient évanouis !

Étape 1 : le dessin au crayon.

Étape 2 : la découpe au scalpel (attention aux gouttes de sang)

Étape 3 : l'arrachage sauvage du visage. C'est à ce moment-là qu'une partie de l'assistance se porte mal (et en particulier ma voisine de TGV d'hier soir)

Enfin, contrairement aux films du camarade Rollin, ce festival esthétique ne se fait au détriment ni de l'histoire ni des acteurs. Le scénario, écrit par le duo Boileau - Narcejac (responsables des Diaboliques de Clouzot et de Vertigo d'Hitchcock), est sans aucune faille, rendant le film aussi passionnant qu'un roman policier. Pierre Brasseur fait habilement cohabiter humanité et démence dans son personnage de démiurge désespéré. Quant à Edith Scob, habillée par Givenchy pendant tout le film, et bien qu'on ne voit pratiquement que ses yeux, elle est bouleversante de féminité et de mystère (mais n'est-ce pas redondant ?)

Conclusion lapidaire : Les Yeux Sans Visage c'est comme un film de Jean Rollin, en cent fois mieux.


Pour info, Les Yeux sans Visage est considéré comme un des films fondateurs du cinéma d'horreur et d'épouvante. Les cinéastes influencés par cette œuvre sont légion : John Woo et Jean Rollin bien sûr mais aussi Jess Franco (son Dr Orlof est le petit cousin de Gennessier), John Carpenter et David Cronenberg. La liste est sans doute beaucoup plus longue mais je n'ai encore qu'une connaissance limitée de ce genre que je qualifierais de "cinéma de l'étrange" et qui me séduit de plus en plus (avec les comédies romantiques bien sûr).

J'ai noté l'apparition d'un tout jeune Claude Brasseur, dans un petit rôle d'inspecteur pas très dégourdi

Pierre Brasseur

Son assistante Alli Valdi (tout le monde est masqué dans ce film)

Un autre magistral combo composition/lumière

Le plan final - celui pour lequel Jean Rollin donnerait 10 ans de sa vie

11 novembre

mardi 11 novembre 2008

Cet anniversaire de l'armistice de 1918 me paraît être le jour idéal pour déterrer l'obscur mais excellent groupe gothique français Collection d'Arnell-Andréa.

Les joyeux drilles de Collection d'Arnell-Andréa, en 2002

Ce groupe, basé à Orléans, existe depuis 20 ans mais je ne connais que l'album Villers-aux-Vents, sorti en 1994, qui suscite chez moi une forme de fascination légèrement morbide. Il s'agit d'un concept-album entièrement consacré à la 1ère guerre mondiale et à ses horreurs. Dans ces chansons aux titres évocateurs (Le Chemin des Dames, Verdun, Les Hauts de Meuse), il n'est question que de douleurs, de poussières, d'agonies, d'aubes profanes, de tertres etc. Les mots employés restent toujours dans un champ sémantique fortement évocateur, lourd de sens, plombé comme un ciel lorrain sur un champ de ruines.

La musique ne rentre pas pour moi dans les stéréotypes de la musique gothique et ne ressemble à rien de connu - ou alors à Dead Can Dance en allant chercher loin. Le timbre des incantations de la chanteuse (Chloé St-Liphard) ainsi que l'omniprésence d'un violoncelle mélodieux sont très réussis.

L'Aulne et la Mort est presque une des chansons les plus gais de l'album. En tous cas une des plus réussies.







Collection d'Arnell-Andréa - L'Aulne et la Mort


Les Cendres-Lisières
, qui ouvre l'album, n'est pas mon titre préféré mais je suis frappé par ces sonorités métalliques (est-ce fait avec une guitare ?) qui débutent la chanson. Ces 30 premières secondes évoquent pour moi avec beaucoup d'acuité des éclats d'obus, rafales de balles, débris humains qui volent en éclats... Toutes ces choses pulvérisées et réduites à l'état de particule.







Collection d'Arnell-Andréa - Les Cendres-Lisière




L'Ornière, la dernière de l'album, est franchement apocalyptique. Par son rythme ralenti, rempli d'une douleur indicible, cette chanson exprime un regard désespéré qui se pose sur des champs de bataille qui ne sont plus qu'un mouroir gris et silencieux. Vraiment, Collection d'Arnell-Andréa exprime avec beaucoup de talent toute la tristesse du monde face à ce carnage inouï. Les hommes, les animaux, la nature, les lieux : rien n'a résisté à cette apocalypse. Tout est mort, réduit en cendres. Les paroles sont d'une noirceur poétique stupéfiante (on les retrouve sur la pochette de l'album).

Ainsi nous ressemblons aux vestiges de guerre
Algide présence, reliques étendues
Soldats gisants aux sombres marbre de poussière :
Les maux, les bras infirmes, les jambes rompues








Collection d'Arnell-Andréa - L'Ornière


Bon, c'est sûr, tout ceci n'est pas très gai mais j'avoue que je ne connais pas d'autre groupe qui parle de la guerre de manière aussi poétique et poignante. Achetez ce disque (ici), je vous le recommande chaudement !

Vanishing Point

lundi 10 novembre 2008

Point Limite Zéro
Richard C. Sarafian, 1971


Pitch : un homme, que l'on ne connaîtra que sous le nom de Kowalski (Barry Newman), est chargé de transporter une rutilante Dodge blanche de Denver à San Francisco. Pour des raisons qui ne sont pas exposées, Kowalski se met en tête de faire ce trajet de 2000 km en une quinzaine d'heures. Lancé à pleine vitesse sur les interstates, il est rapidement pris en chasse par la police avec laquelle il va jouer à cache-cache pendant une grande partie du film.

Pendant ce temps-là, le dénommé Super Soul, un animateur de radio noir, déjanté et aveugle, écoute les fréquences de la police et fait partager à ses auditeurs (dont Kowalski lui-même) le récit de cette course-poursuite au travers de l'Utah, du Nevada et de la Californie. Kowalski devient petit à petit un héros pour tous les auditeurs et chacun se demande si il va finir par échapper aux policiers qui le pourchassent à moto, en voiture, en hélicoptère et même en tracto-pelles.

En plus d'être très agréable à regarder, bien filmé, bien joué, Vanishing Point est pour moi un pur road-movie fétichiste et existentialiste. Je m'explique.



Tout d'abord, sans aller chercher bien loin, nous sommes ici en face d'un road-movie, dans son acception la plus basique, et donc d'une éloge de la liberté et des grands espaces, par ailleurs superbement photographiés. Comme dans tous les road-movies que j'ai pu voir, le récit, aussi linéaire que les routes empruntées, est régulièrement marqué par des rencontres improbables qui sont comme autant de bornes kilométriques. Au cours de son périple, Kowalski va ainsi croiser un chasseur de serpents, une communauté hippie-chrétienne, un couple de gays psychopathes en voyage de noces, une fille nue à moto, des bikers sortis d'Easy Rider etc. Ces rencontres influencent très peu l'histoire mais insufflent une ambiance hippie foutraque qui a un vrai côté documentaire (nous sommes encore en pleine contestation flower power).

D'autre part, Vanishing Point est un film fortement fétichiste, centré sur deux thèmes : la voiture et la musique. La Dodge de Kowalski est un personnage à part entière et on ne compte plus les plans, gros plans, zooms sur cette voiture qui nous est montrée dans ses moindres détails et sous tous les angles. Cette passion fétichiste du réalisateur paraît tellement sincère (et donc touchante) que je n'ai pas été gêné par ces insistances, moi qui suis pourtant complètement réfractaire à l'apologie des grosse cylindrées (cf. l'ignoble franchise Taxi). Ensuite, via cet incroyable personnage de Super Soul, la bande-son du film a une importance primordiale : une grand attention est portée sur chaque chanson que ce DJ excentrique envoie sur les ondes.




























La Dodge de Vanishing Point.

















La même voiture dans les mêmes paysages dans Death Proof de Tarantino


Vanishing Point
est un de ces films qu'on dit culte. Je me méfie énormément de cette expression trop souvent galvaudée mais je pense qu'elle s'applique bien pour ce film. Le grand Quentin Tarantino le considère en tous cas comme tel. Son dernier film, Death Proof (Boulevard de la Mort), qui est encore plus référentiel que les précédents, cite Vanishing Point à tour de bras. La voiture fétiche est la même et, dans la 2e partie, les quatre héroïnes discutent sans fin sur le film - un peu comme les gangsters de Reservoir Dogs pouvaient débattre de Like a Virgin.

Enfin, Vanishing Point est pour moi une vraie réussite car ce film sait aller au-delà de ces aspects fétichistes - contrairement aux films de Tarntino justement, que je trouve tous largement surestimés et qui ne reposent que sur leurs aspects référentiels (les films de Tarantino en deviennent-ils des films post-modernes ? La question mérite d'être posée). Bref, Richard Sarafian prend ici soin d'épurer son film de toute explication, de toute intrigue accessoire, et en fin de compte, de tout message. Il touche ainsi une certaine pureté, et donc une certaine abstraction, et donc une certaine universalité. Kowalski avance très vite et sans raison apparente : alternativement, il évite les obstacles qui se présentent ou s'écrase dessus. Il se relève, réfléchit et repart, sans trop savoir pourquoi. Il est en fin de compte, tout bêtement, humainement, comme vous et moi, en recherche de sens.

Vanishing Point illustre donc tout simplement la quête existentialiste qui est celle de l'humain - et c'est ce qui rend ce film captivant, au-delà de son parti pris esthétique marquant.

Si il fallait jouer aux associations d'idées, je rapprocherais Vanishing Point de Zabriskie Point, de Sailor & Lula voire de la série K2000 (souvenez-vous du speech du générique : "un chevalier solitaire, un héros des temps modernes, sur sa monture etc" qui semble sorti mot pour mot de Vanishing Point). Enfin, je ne les ai pas (encore) vus, mais j'imagine que ce film s'apparente à Two-Lane Blacktop et, évidemment, Easy Rider.

Les improbables rencontres de Kowalski :


















Un chasseur de serpents









Un rescapé d'Easy Rider










Une fille nue à moto









Un groupe de rock chrétien hippie













Pour finir, un très beau plan, très bien composé, d'un flic très véreux.

Oldies But Goodies

vendredi 7 novembre 2008

Pour affronter au mieux ces tristes semaines de novembre et oublier le couvercle gris qui nous accable, voici trois réjouissantes vieilleries qui égaient mon iPod depuis quelques temps.

Mr Sandman des Four Aces est une vraie chanson revigorante. Certes, elle a été reprise par Auchan pour ses immondes pubs radio (argh) mais elle évoque surtout pour moi cette scène si joyeuse de Retour vers le Futur : c'est en effet la musique qu'on entend lorsque Marty, après son voyage de 30 ans en arrière, débarque en centre-ville et hallucine sur toutes ces choses des années 50s : les Cadillac chromées, l'uniforme impeccable des pompistes, les jupes longues des filles, la calligraphie des publicités, les juke-box vintage etc.
Au-delà de cet effet Madeleine de Proust, Mr Sandman est un chanson légère, mélodieuse, avec des chœurs comme j'aime et des breaks qui structurent si bien la chanson. Une petite merveille.







Four Aces - Mr Sandman




Ann Christine Nyström, née en 1944, est surtout connue pour avoir représenté la Finlande à l'Eurovision en 1966. Elle y chantait Playboy qui, sans être géniale, valait largement mieux que la sirupeuse chanson de l'autrichien Udo Jürgens qui a gagné cette année-là. Bref, Ann Christine Nyström a également interprété la chanson ci-dessous, Odota En, qui s'avère être délicieusement yé-yé sans être gnan-gnan pour autant. J'aime vraiment bien le son de l'orgue qui débute le morceau et qui revient régulièrement par la suite (et particulièrement à 47'' et puis à 1'35'' pour un solo d'anthologie). C'est frais, c'est bien, c'est finlandais.







Ann Christine Nyström - Odota En

Un OVNI pour terminer avec ce Mouldy Old Dough que j'ai découvert en épluchant la liste des N°1 des charts UK en 1972 (on a les occupations qu'on peut). En voici l'histoire : ce morceau est au départ écrit et composé comme une blague par un groupe anglais en mal de succès, Stavely Makepeace. Il est enregistré à l'arrache, dans une chambre, avec la propre mère du guitariste au piano. Contents du résultat, ils décident de le sortir en single au début de l'année 72, sous le pseudo de Lieutenant Pigeon. C'est un bon bide. Et puis, on ne sait comment, ce 45 tours atterrit en Belgique où il se retrouve propulsé comme générique d'une émission télé. Gros tube chez nos amis belges. Auréolé de ce succès, le titre retraverse la manche et se retrouve n°1 en Angleterre pendant 4 semaines. 800.000 singles vendus.

Cette chanson presque entièrement instrumentale (en dehors du Mouldy Old Dough que le type marmonne ici ou là) est assez étonnante. Ne vous fiez pas à la flûte à bec qu'on entend au début et qui fait penser à une marche militaire bien ringarde : cette intro laisse place ensuite à une mélodie blues accrocheuse interprétée par un vieux piano ragtime, le tout rythmé par un ensemble basse/batterie qui lui est tout à fait d'époque.

Et tiens, je lis que le grand, l'unique, le formidable Jarvis Cocker a mis ce titre dans sa liste de "Desert Island Discs" - je ne suis donc pas le seul à être bizarrement accroché par cette chanson que j'ai du écouter 20 fois depuis hier.
Je vous conseille vivement d'aller voir la vidéo du passage du groupe à Top of the Pops spécial Noël 72. Franchement, le look du public et du groupe, ainsi que l'ambiance Peace and Love foutraque, valent le détour.








Lieutenant Pigeon - Mouldy Old Dough